L’histoire de ce livre se concentre sur quelques minutes d’une vie, ces quelques minutes qui peuvent faire basculer les destins dans l’affirmation d’un avenir, quelques minutes qui forgent les personnalités et restent cependant un lieu d’inconscient, d’oubli. De ces moments où l’on semble à la fois étranger au réel et saisi par une extrême lucidité. Ce moment où le tangible vous échappe mais crée au même instant, le fondement, des 30 années à venir sans que pour autant vous sachiez de façon éveillée quel vertige vient d’avoir lieu.
Faut-il regarder le passé ? Transmettre les moments de doute et de choix ? Qu’est-ce que l’engagement politique ? Qu’est- ce que dire la vérité (ici par l’exercice de la caricature).
La spirale de la réputation (ce qui fait l’engagement et le succès) mérite-t-elle l’impact qui se diffuse dans la vie personnelle de l’homme public ?
Comment vie privée, vie publique, engagement et création artistique peuvent-elles cohabiter sans couper le créateur de son attachement au réel ? Quel rôle doit tenir (et ce dans quelle mesure) l’homme, le père, le mari, l’artiste, l’homme de pouvoir (médiatique) quand s’enclenche la spirale de la réputation ?
Ce roman est un questionnement sur le pouvoir, la légitimité, l’égo, l’humiliation, la façon dont la société, dans ses incohérences et ses injustices, dans son hypocrisie et parfois son devoir d’engagement, dans son bon ou mauvais droit, fait et défait les réputations, fait tomber en disgrâce, au premier soubresaut, des personnalités exposées.
La trame, l’intrigue et le contenu questionnent le pouvoir médiatique, les ambitions, le rapport au miroir social.
On pense à Karoo de Steve Tesich, personnage assez imbu de lui même porté par beaucoup de cynisme et de mélancolie ou à Persécution d’Alessandro Piperno qui narre la descente aux enfers d’un homme de pouvoir accusé, à tort, de pédophilie.
Un livre entêtant.
Juan Gabriel Vasquez, Les réputation, Seuil, Aout 2014
Traduit de l’espagnol (Colombie) par Isabelle Gugnon