John Burnside est un auteur singulier. Poète tout d’abord. Universitaire.
Depuis maintenant une dizaine d’années, Burnside écrit des romans.
Noirs souvent. Voire très noirs.
Magnifiquement écrits. Toujours.
L’été des noyés, sa dernière œuvre parue en France, marque plusieurs changements.
D’abord, pour la première fois, Burnside adopte un point de vue féminin, celui de Liv, la narratrice. C’est un roman de fin d’adolescence où plusieurs choses se jouent pour elle : l’entrée dans la vie d’adulte, ses relations intenses avec sa mère, son père absent, qu’elle ne connaît pas et qui entre en contact avec elle sans qu’elle s’y attende, un ami de sa mère qu’elle voit comme une figure paternelle et son manque de relations avec des jeunes hommes ou femmes de son âge. Liv est une héroïne tourmentée. John Burnside décrit très bien ses soucis d’adolescence en train de devenir adulte et qui s’interroge sur son futur mais aussi son passé.
Ensuite, son récit se passe principalement en Norvège, dans une nature sauvage, belle et isolée, en bord de mer. Liv, qui vient de passer son bac, vit un été mouvementé car son village est le théâtre d’événements tragiques. Des noyades. Plusieurs. Deux frères disparaissent, à quelques jours d’intervalle, dans le même canot. Un vacancier disparaît à son tour, quelque temps plus tard. Liv est le témoin de cette mort. Chacun de ses personnages était en relation avec la sulfureuse Maia, que Liv pense être responsable de chacun des décès.
Du nouveau donc chez Burnside mais aussi du classique. Le réel, le rêvé. La réalité, les songes. Le plaisir de la lecture se trouve ici. Faire le tri entre ce qui est vrai, ce que Liv hésite elle-même à décrire comme un événement et qu’elle voit parfois comme une vue de son esprit.
Les légendes norvégiennes, que conte un des personnages à Liv, sont également un élément essentiel. Les sirènes et les trolls, mais surtout la huldra et sa grande beauté qui poussent les hommes à commettre des actes désespérés. Cette huldra que Liv pourchasse mais dont elle a une grande peur. Liv, le témoin et le rapporteur de choses réelles selon elle, inventées selon les gens de son village. Liv enquêtrice mais dans un roman policier d’une grande lenteur.
Un livre rare, obsédant et lancinant qu’on a envie, une fois terminé, de recommencer à lire pour saisir, peut-être, ce qui nous a échappé.
L’été des noyés, John Burnside, Éditions Métailié, août 2014