La maladroite est un de ces livres que l’on appréhende franchement d’ouvrir mais que l’on repose cent vingt pages plus loin, ému et bouleversé comme jamais. Faire d’une enfant de huit ans morte sous les coups de ses parents le personnage central de son premier roman pouvait s’avérer un pari risqué pour Alexandre Seurat. Le lecteur a plutôt tendance à se protéger, à mettre des barrières entre lui et l’horreur, d’autant plus si l’ intrigue est tirée d’un fait réel. Et le lecteur aura donc tendance à reposer le livre sur l’étagère. Ce serait une erreur. En livrant ce témoignage à travers différentes voix anonymes mais clairement identifiées – la grand-mère, l’institutrice, le médecin, le gendarme ou encore le frère – Alexandre Seurat raconte le calvaire de la petite Diana sans jamais tomber dans le pathos ou le voyeurisme. Il décortique les rouages de la culpabilité, prête la voix à ces témoins impuissants et retrace la courte existence de cette petite victime à la manière d’un rapport d’enquête, clair, concis et implacable.
Tous essaient de se justifier, se repassant ainsi le fardeau du secret jusqu’au dénouement final si prévisible, qui sonne ici comme une délivrance pour la maladroite. Personne n’aura été capable de faire parler cette fillette volubile mais murée dans le silence dès qu’il s’agit d’évoquer les traces sur son petit corps.
La maladroite est un court roman, fort et poignant, qui laisse une boule au fond de la gorge et qui témoigne de la difficulté d’une société à confondre les tortionnaires et surtout à protéger les victimes.
Le premier roman d’Alexandre Seurat est un livre absolument nécessaire qu’il faudra défendre et faire lire pour briser le silence et affronter une terrible réalité à laquelle chacun peut être un jour confronté.
La maladroite, Alexandre Seurat, Éditions du Rouergue, Août 2015.