« Tout doit aller vite car un autre animal doit prendre sa place ». Dans les abattoirs Gourdin, les cadences de mise à mort sont élevées. C’est semble-t-il le prix à payer pour disposer de toute la barbaque souhaitée sur les grilles de nos barbecues ! C’est aussi l’histoire que nous racontent Laurent Galandon et Nicolas Otero dans La tuerie (Les Arènes BD). Mais pas seulement. Outre la question de la maltraitance animale et du rythme infernal imposé aux ouvriers – avant tout invités à fermer leurs gueules sous peine d’être virés manu militari – le récit se compose comme un thriller, mettant aux prises Yannick, ancien taulard qui vient de se faire embaucher chez Gourdin, avec ceux qu’il pense responsable du décès par overdose de son frère Killian…

La BD s’ouvre sur un texte de l’animateur et humoriste de France Inter, Guillaume Maurice. « On les pulvérise, on les massacre (…). Les animaux, comme les humains ». Sa chronique, pour une fois, n’est pas drôle. Mais c’est pas fait pour non plus ! De fait, les deux auteurs de La tuerie ne font pas dans la dentelle. Sur certaines pages, ça saigne même beaucoup. Et la fin tragique des bêtes n’a dès lors plus de secrets pour nous. Bref, si vous souhaitiez continuer à manger de la viande en toute hypocrisie, c’est mal barré. Ici, les couteaux sont aiguisés et le sale boulot confié à ceux qui n’ont pas froid aux yeux.
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De ce point de vue, aux abattoirs Gourdin, il n’y a pas de place pour les sentiments et les combats syndicaux. Le jeune frère de Yannick l’aura sans doute appris à ses dépends. A moins que sa mort brutale ne soit pas seulement le fruit de ses propres perditions… C’est précisément ce que veut vérifier Yannick.
De fil en aiguille, il remonte le fil des événements passés. En quête de vérité, il tente de se fondre dans la masse, subissant sans broncher le bizutage des premiers jours d’embauche ou la surveillance rapprochée de quelques collègues douteux. Il se lie aussi avec la jeune et jolie vétérinaire en chef.
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Tandis que les preuves s’accumulent et que les révélations s’accumulent, Yannick va devoir faire un choix. Laisser exploser sa vengeance et la bestialité (humaine) qui sommeille en lui. Ou se taire et laisser passer l’injustice, au bénéfice d’une vie nouvelle à construire. Un dilemme intéressant, placé au sein d’un huis-clos étouffant et sans temps mort, mis en scène par deux maîtres BD en la matière.
En effet, le scénariste Laurent Galandon mène souvent l’offensive politique dans ses ouvrages, à l’image de Lip, des héros ordinaires (Dargaud), un documentaire-fiction sur un grand mouvement social contestataire et emblématique. Quant à Nicolas Otero, dessinateur de la série Amerikkka (EP Éditions), il avait carrément marqué les esprits avec Confessions d’un enragé (Glénat), roman graphique original et virtuose.
La tuerie, dont vous ne ferez qu’une bouchée, réunit les talents de ces deux esthètes militants. Pour mieux dénoncer la souffrance ouvrière et les contradictions de notre belle société de consommation.