[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]U[/mks_dropcap]n polar bien noir, un meurtrier violeur, les bas fonds de Glasgow en 1969 et 1970, une ambiance glauque et des services de police qui se tirent dans les pattes. Voilà pour l’ambiance du nouveau roman de Liam McIlvanney, Le Quaker, après Là où vont les morts déjà formidablement réussi.
Aucune déception ici. L’auteur sait décrire sa ville, ses personnages, policiers, anonymes, prostituées, pauvres gens luttant pour survivre ou encore perceur de coffres exilé à Londres. À l’image de la photographie de la couverture, Glasgow est bien sombre en 1969. Des tas d’immeubles sont en instance de démolition mais encore habités.
La ville elle-même était en train de changer, au fur et à mesure que les boulets de démolition en rectifiaient la carte. Liquidation des taudis. Rénovation urbaine. Des quartiers entiers anéantis à force de raser leurs immeubles. Nettoyage des rues. Familles éparpillées. Certaines étaient relogées dans les grands ensembles en périphérie de la ville, mais la plupart partait ailleurs. … Ils partaient se chercher une nouvelle vie au soleil, quelque part ailleurs, en laissant derrière eux la crasse des immeubles insalubres.
Des dancings fleurissent aux quatre coins de la ville et, en quelques mois, à la sortie de ceux-ci, trois femmes sont violées et assassinées, laissées à la vue de tous dans les rues. La police enquête mais ne progresse pas. Personne n’est arrêté.
C’est dans ce contexte que l’inspecteur principal Duncan McCormack est envoyé pour un audit à propos de l’enquête. La consigne reçue est plus ou moins de la faire clore. Évidemment, l’accueil au sein de l’équipe d’enquêteurs est glacial. Mais McCormack est obstiné et il trouve des pistes inexploitées.
– Je prévois de garder les yeux grand ouverts. Je prévois de passer en revue tous les éléments dont nous disposons. D’écrire un rapport honnête.
– Je vois. De nous retirer l’affaire, vous voulez dire. D’abréger nos souffrances.
– La décision ne m’appartient pas, inspecteur.
– Regardez-nous dans les yeux quand vous nous baiserez, hein ? On mérite au moins ça.
Parallèlement au travail de terrain de la police, nous suivons Alex Patton, venu de Londres pour un casse avec un ami d’enfance. Patton est un professionnel. Ceux avec qui il fera équipe, un peu moins. Et il va se retrouver dans une sacrée panade. Au-dessus de tout ce beau monde plane l’ombre du grand caïd, McGlashan, qui tient la ville d’un main de fer. Les personnages vont se croiser, certains s’aider, d’autres s’affronter, au sein même de la police.
Et puis, dans des passages glaçants et formidables, McIlvanney donne la parole, post-mortem, aux pauvres femmes assassinées.
Elles savaient qu’un homme avait ramassé une femme sur cette piste de danse, l’avait raccompagnée chez elle et tuée. Mais elles étaient montées quand même.
Et puis, j’ai compris que j’avais tort, que je m’étais trompée. Moi aussi, je savais qu’il était là, dehors. je le savais depuis toujours. Nous le savons toutes.
Ou encore
Ils continueront d’y retourner, jusqu’à ce que l’immeuble soit démoli. Ce hall nu exerce une attraction, une fascination morbide. C’est le centre de tout, le cœur de cette ville en train de s’écrouler. L’endroit où gisait la dame, nue et morte. L’endroit où l’histoire s’est terminée.
Ces quelques pages forment l’élément central du roman. La raison pour laquelle, la police et McCormack continuent de s’acharner à trouver ce quaker meurtrier.
De fausses pistes en descriptions sombres, Liam McIlvanney nous offre une histoire sans repos ni répit. Une ville en mutation, une police au désespoir traînant quelques brebis galeuses et un meurtrier sans pitié.
Une lecture éprouvante, souvent, mais un grand polar !