[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#006836″]E[/mks_dropcap]n étant au plus près de la réalité que vivent quotidiennement les adolescents, l’autrice Laurie Halse Anderson a su s’imposer aux Etats-Unis comme une référence en matière de littérature jeune adulte. Dans ce nouveau roman, Ma mémoire est un couteau, elle laisse la parole à Hayley Kincaid, une jeune femme qui a passé toute sen adolescence sur la route avec Andy, son père. Pour sa dernière année au lycée, Hayley va découvrir une scolarité normale, essayer de se reconstruire et apprendre à vivre avec les démons d’Andy, ancien combattant traumatisé à vie.
Il n’est pas évident de poser ses valises, de s’approprier un lieu, d’apprendre à vivre comme une adolescente lambda lorsque chaque retour à la maison signifie voir son père ivre, en proie à des crises de colère ou de désespoir profond. Et lorsque nos seules interactions pendant des années ont été avec des routiers ou des vendeurs de station-service, comment se faire des amis, s’adapter au système scolaire, et tomber amoureuse ? Au milieu de ces questionnements, Hayley essaye de garder l’équilibre et d’aider son père comme elle le peut, avec toute la résilience que cela demande.
Après avoir brillamment abordé des thématiques telles que les agressions sexuelles ou les troubles alimentaires (Vous parler de ça et Je suis une fille de l’hiver), Laurie Halse Anderson nous livre un poignant roman sur la difficulté de vivre avec un traumatisme psychologique, l’emprise toxique d’un parent défaillant sur son enfant ainsi que toutes les petites trahisons de notre mémoire et les mécanismes mis en place pour se protéger. Avec un ton toujours juste, sans céder au pathos ni au cliché, l’autrice laisse la part belle à ces émotions si intenses qui font toute la richesse de l’adolescence.
Au milieu de ce marasme qui adhère à la peau, quelques personnages lumineux qui sont autant de bouffées d’oxygène. Le tout allié à un humour acide et cynique font de ce roman un moment de lecture dont on aurait tort de se priver. Ma mémoire est un couteau est encore une fois une belle surprise des éditions La belle colère, désormais reconnues pour savoir si bien mettre en avant toute la complexité du passage à l’âge adulte, ses questionnements, ses doutes et ses paradoxes.
Ma mémoire est un couteau, de Laurie Halse Anderson. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marie de Prémonville, éditions La belle colère, mars 2017.