[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]P[/mks_dropcap]ar où commencer ? Comment faire quand tout n’est que confusion, larmes et que celles-ci empêchent votre pensée de fonctionner correctement ? Comment évoquer cette relation vous liant à un musicien qui, finalement, fait autant partie de vous que certains membres de votre famille ? Je pourrais, du bout de mes doigts constamment en sanglots, évoquer mon enfance, dire à quel point mon parcours de mélomane et celui de Mark Hollis sont intimement liés, que lui et moi, c’était une histoire d’amour à sens unique et que chacun de ses disques m’a accompagné jusqu’à maintenant. Je pourrais également passer par une phase de révolte, me dire que tout cela est injuste, que les génies sont immortels et que donc, tu ne pouvais pas mourir. Je pourrais en vouloir à la terre entière, pleurer à nouveau, être hébété, pleurer encore et encore jusqu’à en finir déshydraté.
Mais, une fois le choc passé, posons-nous un peu. N’est-il pas ridicule de pleurer la mort d’un musicien qui a fait voeu de silence depuis près de vingt ans ? D’une personne qui n’a plus officiellement écrit une note depuis le 26 janvier 1998 et s’est retiré de tout ce cirque médiatique pour vivre une vie d’ascète ? Pourquoi pleurer Mark Hollis quand, me concernant, depuis Such A Shame et It’s My Life en 1984, j’ai eu l’incomparable bonheur de grandir auprès de ses silences, d’accompagner la trajectoire unique d’un homme fidèle à ses idéaux musicaux, de posséder la discographie d’un des plus grands génies du siècle dernier ?
https://youtu.be/i7OEvo-GjUg
Alors, plutôt que de s’attrister sur son adoption irrémédiable du silence, saluons le fait qu’en plus de vingt siècles, nous ayons pu côtoyer un musicien qui aura réussi à tracer un sillon d’une singularité exemplaire, à faire danser, au son d’une douce mélancolie, les ados que nous étions jusqu’à en perdre la tête, à ensuite élargir nos horizons musicaux ainsi que nous élever spirituellement grâce à sa science des silences, puis à devenir, de part son intransigeance quasi punk, un modèle pour les générations passées et à venir et enfin à être l’une des plus grandes influences de la musique actuelle. Réjouissons-nous bordel, même si le ruissellement lacrymal dont nous sommes atteints depuis lundi dernier semble inépuisable, car nous avons eu cet incomparable honneur.
Maintenant Mark, je crois qu’il est temps de te dire définitivement adieu, sécher mes larmes une bonne fois pour toutes et te remercier pour ce bout de temps passé ensemble. Je continuerai mon chemin, toujours en ta compagnie, et dans quelques décennies, quand le silence me rattrapera, j’espère t’interpeller et, qui sait, t’inviter à une terrasse de café pour te dire de vive voix ce que je viens de t’écrire.
So long Mark.