Comme disait Rabelais « Se nourrir est un besoin, savoir manger est un art ».
C’est exactement ce que nous livre la magnifique et succulente bande dessinée La passion de Dodin-Bouffant de Mathieu Burniat, sortie en 2014 aux éditions Dargaud.
C’est avec délice et même gourmandise que l’on parcourt cette histoire librement adaptée du roman de Marcel Rouff*, La vie et la Passion de Dodin-Bouffet, gourmet lequel l’avait écrit en s’inspirant de son ami Maurice Edmond Saillant dit Curnonsky, gastronome, humoriste et critique littéraire français, surnommé « le prince des gastronomes » dans les années 20.
Après la disparition soudaine et tragique de sa merveilleuse cuisinière, un notable provincial Dodin-Bouffant se met en quête d’une nouvelle recrue. La tâche s’avère cependant des plus difficiles pour le grand gastronome tant le bonhomme est exigeant et inflexible pour tout ce qui touche à l’art culinaire. C’est d’ailleurs uniquement et seulement avec trois de ses compères encore assez dignes pour cela que le gourmet se livre à un festin hebdomadaire où les bons plats et les fumets sont à l’honneur.
Ce dernier finit enfin par trouver « sa » perle rare en la jeune personne d’Adèle Pidou aux talents culinaires insoupçonnés. Tous deux vont même aller jusqu’à défier un aristocrate féru de haute gastronomie. Cela aura évidemment des répercutions inattendues qui dépasseront la simple rivalité gourmande…
La passion de Dodin-Bouffant, c’est la période où la grande cuisine bourgeoise triomphe. Une cuisine riche, abondante, une cuisine du terroir où priment maîtrise et qualité des aliments. Défilent ainsi tout le long de l’ouvrage des pommes de terre rôties dans leur robe, des farces élaborées avec finesse, des veloutés les plus précieux, les meilleurs vins et l’inoubliable pot-au-feu dont le fumet et les odeurs (oui oui) vous feront forcément saliver. La passion de Dodin-Bouffant, c’est aussi un magnifique portrait plein de tendresse du grand gastronome ainsi que celui de la jeune servante. Le trait des illustrations est fin, précis où l’on retrouve immanquablement les caricatures de notables de l’époque à la trogne si expressive.
Il y a de grande chance que vous finissiez cet ouvrage « l’eau à la bouche » … Une recette est d’ailleurs proposée et offerte à la fin de l’ouvrage par le gastronome breton Philippe Emanuelli : Bouchées de Saint-Marcellin aux Morilles, vous m’en direz des nouvelles ! Enfin, à en lire la recette, c’est déjà au moins de la littérature à elle toute seule…
Alors grands gastronomes ou novices en la matière à vos fourneaux ! Et surtout lisez avec autant de passion que Dodin-Bouffant en a pour l’amour de la cuisine.
Mathieu Burniat est designer et jeune auteur belge à suivre ! C’est ici sa troisième bande dessinée après Shrimp sorti en 2012 (deux tomes), chez le même éditeur, Dargaud.
Pour en savoir plus sur lui, c’est ici http://www.mutt.be/
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*Marcel Rouff (1877-1936) : gourmet et gastronome, grand ami de Curnonsky (1872-1956) avec lequel il publie La France gastronomique. Guide des merveilles culinaires et des bonnes auberges françaises (28 volumes publiés entre 1921 et 1928), Marcel Rouff fondera avec lui en 1928, sur le modèle de l’Académie française, l’Académie des gastronomes. La Vie et la Passion de Dodin-Bouffant, gourmet, parut pour la première fois à Paris, chez Delamain et Boutelleau, en 1924, avec des illustrations de Joseph Hémard. Il connut de nombreuses rééditions : Paris, éditions Stock, 1970 et 1984, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1990 et, dernière en date Le Serpent à Plumes, Paris, 1995.