LA CHRONIQUE
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[dropcap]L[/dropcap]a Québecoise Mireille Gagné nous offre pour cette rentrée littéraire une fable à la fois originale et provocante, un texte d’une grande fraîcheur qui devrait lui permettre de se distinguer au milieu de la production littéraire francophone. Son Lièvre d’Amérique entraîne le lecteur dans une histoire aussi fantasque qu’inquiétante, qui se nourrit aussi bien de nos névroses modernes que de notre mémoire ancestrale. Suivre Diane dans son projet fou – une intervention chirurgicale ayant pour objectif de la rendre hyper-performante -, partager avec elle ses inquiétudes à la fois naïves et justifiées sur les effets secondaires de cette folle expérience, l’accompagner dans sa machine à remonter le temps et revivre avec elle une enfance déchirée, un amour perdu, une solitude déchirante, un abandon inoubliable. Et puis le lièvre d’Amérique, celui de la légende algonquine dont s’inspire Mireille Gagné en toute liberté et pour notre plus grand plaisir.
L’INTERVIEW
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Le Lièvre d’Amérique est votre premier roman. Vous n’avez pas choisi la facilité puisque votre texte fait appel à deux aspects de notre imaginaire: notre capacité à penser une intervention chirurgicale qui aurait des effets redoutables sur notre capacité de travail, et notre mémoire ancestrale, avec la légende du lièvre d’Amérique. Comment vous est venue cette idée ?
L’idée m’est venue très naturellement. À la suite d’un épisode de surmenage l’an passé où on m’a diagnostiqué un zona, j’ai été mise au repos pour quelques semaines. Je suis alors passée en mode introspection et j’ai étudié le workaholisme. Comment en étais-je arrivée là, à bout de souffle, avant même d’avoir vécu la moitié de ma vie ? Quel vide m’acharnais-je réellement à remplir ? Et surtout, pourquoi ? Pour tenter de répondre à ces questions, j’ai créé Diane, mon personnage principal. Je lui ai fait subir une opération génétique liant son ADN à celui du lièvre, un des animaux qui dort le moins, afin de lui permettre de travailler jour et nuit. Je lui ai aussi tricoté un passé contrastant avec sa vie moderne et urbaine dans un endroit sauvage et paisible qui incarne la liberté : l’Île-aux-Grues. Ensuite, je l’ai fait rencontrer un adjuvant symbolique, le lièvre, pour faire résonner en elle cette quête de retour aux sources, l’origine, là où tout a commencé pour elle. Les ingrédients étaient alors réunis pour créer cette fable animalière néolibérale. Est-ce que j’ai retrouvé mon chemin, comme je le souhaite à celles et ceux qui liront ce roman ? Je ne sais pas encore, mais je crois avoir opéré un certain ralentissement de l’intérieur.
Avec cette histoire à double enjeu, vous créez un personnage de femme victime à la fois de son passé et de son présent, de sa solitude et de l’abandon qu’elle a vécu quand elle était enfant. Quel est l’enjeu le plus important pour vous : celui de la blessure d’enfance ou celui de la solitude d’adulte ?
Le tourbillon dans lequel est prisonnière Diane à l’âge adulte est la conséquence de ses blessures et de sa fuite. Les deux sont donc intimement liés. En n’affrontant pas son deuil, Diane ne se répare pas. C’est pour cette raison qu’elle se noie littéralement dans le travail et qu’elle cherche à remplir le vide abyssal qui l’habite. Dans le roman, je voulais que le lecteur comprenne comment et pourquoi certaines personnes en arrivent au surmenage. Je désirais également qu’il prenne conscience qu’il est peut-être beaucoup plus près qu’il ne le croit de cette spirale entraînante qui risque de l’avaler un jour ou l’autre s’il ne ralentit pas son rythme effréné imposé par la société actuelle. Il n’est jamais trop tard pour emprunter un autre chemin.
Vous avez choisi une structure par petites touches, presque impressionniste, pour nous raconter l’histoire de votre héroïne, et en même temps nous dire qui est le lièvre d’Amérique, nous dévoilant ainsi, progressivement et incomplètement, votre intention. Avez-vous été influencée dans ce choix par votre histoire d’auteur de nouvelles et de poésie ?
Le silence est très important en poésie. La rythmique aussi. De plus, ne pas donner toutes les clés au lecteur est crucial en nouvelles pour créer un certain déséquilibre et engendrer une prise de conscience. J’ai en effet utilisé ces procédés dans Le lièvre d’Amérique. J’ai d’abord commencé par écrire le livre en donnant tous les détails. Cette phase de recherche est très importante pour moi. C’est comme si je bâtissais un univers réel. J’écris alors un grand nombre de pages pour décrire la réalité de mon personnage. Ensuite, une fois que le squelette de l’histoire se tient, je supprime un par un les détails superflus jusqu’à trouver un juste équilibre. J’aime que l’histoire résonne différemment dans chaque lecteur, tout dépendant de son passé. Si je donne toutes les clés, il n’aura pas à aller puiser en lui pour les chercher.
Entre la légende algonquine et la chirurgie que subit votre héroïne, vous avez construit un chemin qui mène du passé au futur. Êtes-vous pessimiste dans votre vision de l’avenir de l’humanité ?
Au contraire, j’essaie qu’il y ait toujours une très grande part de lumière et d’espoir dans mes écrits. Toutefois, je n’ai pas peur de creuser des sujets denses. Ainsi, dans Le lièvre d’Amérique, j’ai repoussé les limites de Diane le plus loin possible. J’ai étiré son élastique au maximum jusqu’à ce qu’il casse pour qu’enfin elle retrouve sa liberté après avoir pansé ses blessures. Dans la vie, je crois qu’il faut savoir affronter ses bêtes de l’intérieur pour enfin s’émanciper.
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Le Lièvre d’Amérique de Mireille Gagné
La Peuplade, août 2020
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