[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]I[/mks_dropcap]l y a un air de dolce vita dans ce roman court et subtil, d’une écriture élégante signé Philippe Fusaro aux éditions La fosse aux ours. À la lecture, on pense à la chanson de Christophe où la vespa serait remplacée ici par un bolide luxueux, une Alfa Romeo Montréal. Tout respire cette ambiance feutrée et douce, opiniâtre, cet état d’esprit qui inspire la lenteur et l’oisiveté parfois non loin de la caricature à l’instar de la saudade portugaise.
Les protagonistes de l’intrigue sont Gianni Desmond, Bella Doll et Christophe donc. Ce dernier apparaît avec ses lunettes bleutées, tout en élégance discrète presque en retrait comme la peur de gêner. Il est là pour réconforter son ami Gianni qui passe une période difficile depuis sa séparation avec Bella. Ils sont tous chanteurs d’une certaine époque qui a connu son heure de gloire par le passé mais qui semble péricliter, on tourne tout doucement la page pour passer à tout autre chose. Il en va ainsi des modes et cette perpétuelle envie de renouvellement d’inspiration. Il n’est pas facile pour tout le monde de s’adapter et de coller à chaque fois à ce changement de mentalité, il est souvent impossible de l’anticiper ou alors il faut en être le précurseur. Or nos personnages paraissent décalés, impossible pour eux de suivre cette nouvelle mode, comme prisonniers de leur succès d’antan, de cette image de cette jeunesse. De cette dernière, ils ne veulent en aucun cas s’en départir, le public s’y rattachait, il les idolâtrait, mais il aspire à tout autre chose désormais. La gloire est grisante, violente quand on n’y est préparée mais éphémère aussi. Quand on s’en rend compte il est souvent trop tard il ne reste plus que l’amertume et les souvenirs de ce passé. Gianni ne semble pas s’en apercevoir, tout ce qu’il voit pour le moment c’est cet amour déchu.
Ils chantent dans cette petite salle romaine, le Piper Club, où des grands noms sont passés, et où d’autres ont amorcé leur carrière. David Bowie, Alan Vega, les Who, entre autres se sont croisés dans cette salle. Il y a même le maestro Fellini qui est là et qui marque son empreinte par ses exubérances.
Gianni est triste, il est inconsolable. Il traîne sa peine tous les soirs, désabusé de la vie, sa rencontre avec Nico n’y fera rien, il ne parvient pas à faire disparaître l’image de Bella de sa tête. Ils se croisent de temps à autre, lui ne supporte pas l’idée qu’elle puisse être avec quelqu’un d’autre que lui, avoir un autre homme à son son bras.
Une atmosphère désabusée, légèrement surannée, désuète, une superbe écriture de Philippe Fusaro qui nous donne à lire une époque et des dialogues savoureux, mélancoliques et beaux comme la nuit. Il ne se passe presque rien dans ce roman d’atmosphère mais le livre touche au but dans ce qu’il nous a proposé comme pacte de lecture, la tristesse d’un homme fatigué.