[dropcap]L[/dropcap]es artistes sont comparables à des créatures mythologiques qui tendent à changer de forme et de voix pour révéler le caractère changeant de notre être, à l’instar du poète Octavia Paz : « Toute œuvre d’art est une possibilité permanente de métamorphose, offerte à tous les hommes ». Il semble bien que ces métamorphoses caractérisent bien les différents albums du groupe La Femme, et tout particulièrement le dernier en date, Paradigmes, sorti le 2 avril dernier.
Autant de métamorphoses qui célèbrent notre désir d’être plusieurs, de vivre plusieurs vies le temps de cet album. La Femme est depuis le départ cette créature hybride qui se fait autant succube que vampire, déesse que nymphe. On pense ainsi aux morceaux Le sang de mon prochain et à Divine créature, renvoyant à des êtres de désir et de passion qui traversent les époques musicales et artistiques pour chasser tout interdit. Les voix féminines traversent tout l’album, comme autant d’apparitions et de visions vers un plaisir sans renouvelé.
Ce troisième album est une fête dionysiaque dans laquelle l’auditeur suit Marlon Magnée et Sacha Got (le binôme historique de La Femme) dans leurs périples musicaux comme autant de nouvelles vies. L’album ressuscite de nombreux territoires musicaux, inscrivant l’idée que chaque chanson trace une nouvelle ligne mélodique vers un ailleurs, une fête musicale à venir. Il déploie cette force du singulier sans jamais oublier d’embrasser une pluralité de genres musicaux : synthpop, punk, rap, chanson yéyé, pop.
Le titre inaugural qui reprend le titre de l’album imprime une évidence mélodique et picturale. Ce premier titre déploie une joie et un plaisir évidents dans les orchestrations. La ligne mélodique est malaxée et emporte l’auditeur dans un bar américano-cubain des années 60.
Avec la deuxième chanson, Le sang de mon prochain, La Femme devient vampire, créature mythologique : convoquer l’amour et la mort, le désir et la jubilation de renaitre. Si Cool Colorado et Lâcher de chevaux font resurgir ces plaisirs enfantins hérités des grands espaces américains du western, Foutre le bordel rappelle le besoin impérieux de casser les codes et de remettre les compteurs à zéro pour vivre l’instant présent.
L’intime n’est jamais loin et l’envie de casser les codes du rap pour mieux dire les désirs adolescents à travers le morceau Pasadena ou l’hommage à l’ami disparu avec Mon ami. Chaque chanson se présente comme une projection cinématographique où les images mentales de Marlon et Sacha se connectent à nos esprits ravis pour mieux créer cette disconnexion où la voix d’un Michel Foucault sous acide vient se briser sur un banjo festif.
La Femme joue aussi avec les langues, s’amusant avec l’anglais dans Cool Colorado et Foreigner ou l’espagnol dans Le jardin. Il s’agit bien ici de faire feu de tout bois, de penser La Femme comme un feu de joie qui fait dialoguer mauvais genres et personnages mythiques, voix masculines avec chœurs féminins. Et l’on repense ici aux mots d’Octavio Paz : « J’invente l’ami qui m’invente, mon semblable ; et la femme, mon contraire, tour que je couronne d’oriflammes, muraille que mon écume assaille, ville dévastée qui renaît lentement sous la domination de mes yeux. »
Paradigmes joue avec jubilation avec tous ces mauvais genres musicaux pour faire dissoner et dialoguer le majeur et le mineur dans une orgie théâtrale et musicale ou le costume devient vérité, l’accessoire identité d’une quête des plaisirs premiers. Car Marlon et Sacha orchestrent un plaisir d’écoute si évident qu’on ne pense plus qu’à retourner dans cet univers joyeux, foutraque et régressif où la madeleine de Proust s’est métamorphosée en calumet de la joie. Le morceau final Tu t’en lasses nous berce pour mieux nous laisser terminer notre nuit musicale, pour mieux retrouver le jour et replonger dans ces chansons malicieuses et déjantées, sinueuses et festives, nous laissant tout feu tout femme.
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Paradigmes – La Femme
Disque Pointu / IDOL – 4 avril 2021
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Image bandeau : Crédit JD Fanello