[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]« [/mks_dropcap]C’est seulement lorsque nous sommes perdus, autrement dit lorsque nous avons perdu le monde, que nous commençons à nous trouver, et à comprendre où nous sommes, ainsi que l’étendue infinie des liens qui nous y rattachent. »
Thoreau c’est l’homme insoumis par nature, magnifique et radical. Si la vie qu’il défend dans ses écrits est celle qu’il a choisie, il n’encourage pas nécessairement les autres à suivre cette voie, car c’est sa voie à lui, mais il invite chacun à trouver son propre chemin, et pour cela l’encourage à se plonger dans l’inconnu qui s’offre à lui. Chaque être est aussi face à l’inconnu qui sommeille en lui ou hors de lui, et qui ne demande qu’à être éveillé.
« Je ne connais pas de fait plus encourageant que la capacité indiscutable de l’homme à élever sa vie par un effort conscient. »
Se libérer des chaines de la mécanique du monde qui placent les êtres en pilotage automatique, Thoreau invite le lecteur à être libre, de ses pensées, de ses mouvements, de la vie que l’on se choisit chaque jour qui passe. Un être radical aux yeux de ceux qui ne savent même pas qu’ils vivent, alors qu’au fond il est au plus près de la vérité fondamentale du sens de la vie, tourné vers la nature et le vivant.
J’avais toujours eu envie de lire Walden ou la vie dans les bois, livre de Thoreau publié en 1854, et dont est inspiré le film Into The Wild à travers la citation directe par son héros. Le livre raconte la vie de Thoreau pendant deux ans deux mois et deux jours dans une cabane près de l’étang de Walden dans le Massachusets. Je ne l’ai pas encore fait par manque de temps, et ce recueil de textes permet d’entrer dans l’univers de l’auteur et d’en saisir la globalité de la pensée, que l’on sent foisonnante. Je suis toujours un peu sceptique sur cette démarche tant j’aime découvrir l’œuvre directement d’un auteur, mais Michel Granger qui a rassemblé ici différents textes de différentes sources, n’en est pas à son premier ouvrage sur Thoreau, et sa mise en page est cohérente. Il avait déjà publié aux éditions Le Mot et le Reste, Journal (2014), une sélection en 700 pages du journal qu’a tenu Thoreau entre 1837 et 1861 qui représente 7000 pages de notes ou de pensées consignées. Au sein du monde des lettres et de l’histoire des idées, Thoreau restera pour la postérité comme l’inventeur de la « désobéissance civile » à laquelle il consacrera un essai en 1849, après avoir purgé une courte peine de prison par suite de son refus de payer l’impôt en signe d’opposition à l’esclavage et à la guerre contre le Mexique. Il inspirera, en outre, l’écologisme radical et le courant décroissant, qui lui doivent le concept de « pauvreté volontaire ».
Il y a un siècle et demi, Thoreau, philosophe non conformiste, naturaliste précurseur de l’écologie, écrivait déjà ce qui allait devenir tous les thèmes urgentistes en ce début de siècle malade de son alimentation, de son air, de son industrie, il n’a jamais été aussi contemporain, le relire aujourd’hui est une nécessité absolue. Et sortir un recueil de ses textes est une belle idée pour partager cette pensée inspirante, il a posé sans le savoir ce qui serait la problématique moderne de notre époque, et de l’évolution du monde des hommes et du vivant. Une anthologie remarquable dans laquelle chacun peut puiser au gré de ses humeurs, de ses inspirations ou de ses centres d’intérêt.
« Il n’est jamais trop tard pour renoncer aux préjugés. On ne peut se fier sans preuve à aucune manière de penser ni d’agir, aussi ancienne soit-elle. Ce que tous répètent ou transmettent tacitement comme étant la vérité d’aujourd’hui peut demain se révéler mensonge, simple fumée de l’opinion, que certains ont prise pour une nuée capable d’arroser d’une pluie fertilisante leurs champs. Ce que les vieilles gens disent que vous ne pouvez pas faire, en l’essayant vous découvrez que vous le pouvez. Laissons l’ancien temps aux anciens, et que les nouveaux venus s’occupent des temps nouveaux. »
Chez les contemporains, toujours aux éditions Le mot et le reste, on lit aussi André Bucher, entre terre et ciel, un autre « voyageur de l’esprit » (lire de Thoreau aux écrivains français contemporains, par Aliette Armel, Magazine-livre Ultreia, été 2017), écrivain, paysan, planteur d’arbres.
https://lemotetlereste.com/auteur/andre_bucher