La reine PJ Harvey nous fait un immense cadeau avant que nous ne partions en vacances en sortant son dixième album, I Inside The Old Year Dying, son premier chez le très hot label new-yorkais Partisan Records, après nous avoir fait patienter pendant 7 longues années, depuis The Hope Six Demolition Project, qui date déjà de 2016.
Certes, la musicienne du Dorset n’est pas restée inactive pendant ce septennat, se réinventant sans cesse entre poésie, bandes originales de séries ou de théâtre, comme All About Eve et Bad Sisters. Elle a surtout redonné un beau coup de jeunesse à tout ses albums, du séminal Dry à The Hope Six Demolition Project, en passant par les incontournables Is This Desire ? ou Stories From the City, Stories From the Sea , dont elle a publié, en 2 ans, de géniales versions démo.
Néanmoins, c’est un vrai plaisir de la retrouver, en compagnie bien sûr des fidèles John Parish et Flood pour 12 nouvelles chansons déclinées comme autant de mois de l’année, dont 2 remarquables premiers singles, le tout récent I Inside The Old I Dying , avec l’acteur Colin Morgan en appui vocal, qu’on retrouvera également sur A Child’s Question, July et A Child’s Question, August, sorti en avril dernier, avec cette fois ci l’acteur Ben Whishaw aux chœurs, également présent sur le morceau August.
On le devine rien qu’en lisant les titres des chansons, PJ Harvey semble s’amuser à nous faire perdre le fil et à nous tendre quelques pièges pour nous laisser désorientés devant ces tranches de vie : le passé et le futur se mélangent, l’amour et la mort, il n’y a plus de saison, ma brave dame !
L’album est pourtant né dans la douleur, après de longues périodes de doute sur sa capacité à enchainer albums et tournées. C’est la poésie qui l’a remise sur la voie des studios, en collaborant avec le poète écossais Don Paterson, sur son recueil Orlam, paru l’année dernière et puis peu à peu, l’envie d’interpréter de nouvelles chansons a fait son retour, pour enfin se concrétiser et s’offrir à nos oreilles attentives.
La poésie est d’ailleurs un élément essentiel de l’album, qui se distingue par une profonde intimité, que ce soit dans ses prestations vocales, toujours aussi exceptionnelles que dans ses paroles, tournant autour de l’intensité des premiers amours, la tristesse et le deuil liés au temps qui passe.
Malgré ses thèmes, I Inside The Old Year Dying est un disque chaleureux et accueillant, du fait de la complicité évidente entre le trio qu’elle forme avec Flood et John Parish, donnant le sentiment à l’auditeur d’être présent avec eux aux Battery Studios, dans le nord-ouest de Londres, dans lequel ces nouvelles chansons ont été enregistrées en version live, sans artifice et offertes telles qu’elles.
Prayer At The Gate en ouverture en est un parfait exemple, commençant tout en douceur, laissant tout l’espace à la voix de PJ, comme le principal instrument du morceau, alors que ses musiciens, John Parish bien sûr, mais également Adam Bartlett et Mark Ellis font un travail remarquable en termes d’ambiances, à coups d’effets et de field recordings, omniprésents sur tout l’album, entre bruits de la nature et voix d’enfants.
C’est d’ailleurs le cas sur Autumn Term, sur lequel PJ Harvey et John Parish se partagent le micro pour un blues slowcore intense tout en émotion et sensualité, avant de glisser superbement Lonesome Tonight sur lequel elle convoque aussi bien Presley et Shakespeare, deux influences majeures de l’album, au même titre que Nina Simone.
Seem An I s’avance ensuite, retrouvant quelques liens avec son glorieux passé, une guitare incisive et une batterie subtile venant enflammer le plus classique des morceaux de l’album si ce n’est le morceau titre I Inside The Old I Dying, qui n’est pas sans rappeler Down By The Water, alors que The Nether-Edge et surtout All souls retrouvent cette veine plus expérimentale entre pédales d’effets, synthés et une voix d’une pureté incroyable.
La paire de singles déjà cités incarne parfaitement l’album, entre délicatesse et force, sentiments religieux et réalité matérielle, cherchant ses racines dans le folk et le blues mais en les laissant s’égarer dans une structure résolument expérimentale, symbolisé par le sublime morceau final, le génialement nommé Noiseless Noise !
I Inside The Old Year Dying est encore un très grand disque pour PJ Harvey, étrange et simple à la fois, sur lequel elle semble prendre un immense plaisir à chanter et à jouer, un plaisir grandement partagé !
PJ Harvey · I Inside The Old Year Dying
Partisan Records – 07 juillet 2023