Voilà que cela me reprend, Come & See et Pontiac 87 encore dans la tête et les tripes, il suffit d’un break, un changement de tempo, un riff de guitares et cette voix hantée et douloureuse qui répète encore et encore « She’s Just Trying To Reach You » pour m’en convaincre définitivement. Protomartyr est le plus grand groupe de cette décennie, en tous cas, celui qui me percute le plus de plein fouet, le cœur en vrac, les frissons de la tête au pied.
Cette nouvelle bombe se niche au cœur d’A Private Understanding, le premier morceau et single du quatrième album de Protomartyr, Relatives In Descent. La batterie lance le morceau, la guitare et la basse suivent, et la voix de Joe Casey commence à vous secouer, « Not By My Own Hand », la colère gronde « I Dont Want To Hear Those Vile Trumpets Anymore », le moral flanche « Conscience Wakes Despair », Staline et Elvis sont appelés à la barre. Le morceau se fait plus doux, les guitares entêtantes avant une nouvelle explosion et ça recommence encore et encore jusqu’à vous terrasser, la touche repeat vire au rouge… en 5 ’20, tout est dit, fermez le ban, Protomartyr enfonce tout, Nick Cave et This Heat, Sonic Youth et The Pop Group.
Tout comme leurs disques précédents, la tension et la classe ne baisseront jamais tout au long de ces douze nouvelles chansons, qui font de Relatives In Descent, leur meilleur disque à ce jour… ce que je ne pensais pas possible.
J’avais en effet à sa sortie, déployé tous les superlatifs possibles et imaginables pour louer la qualité en ces lieux de The Agent Intellect, le troisième album du gang de Detroit. Pourtant, Relatives In Descent me semble encore supérieur, le talent sue par tous les pores et met en avant les trois comparses de Joe Casey, tout aussi bons que lui.
Greg Ahee est un fantastique guitariste, ses cordes pleurent, ses cordes crient, et que dire de l’impeccable duo basse-batterie Scott Davidson–Alex Leonard à la dégaine un poil effrayante mais à l’efficacité perpétuelle. Ils sont pour beaucoup dans la fascination que le groupe exerce, comme lorsqu’on ne peut s’empêcher de regarder les éclairs et la foudre un soir d’orage : le danger excite, la peur hypnotise.
Nous ne sommes pas obligés de croire Joe Casey quand il éructe « Everything’s Fine » sur l’incandescent Windsor Hum, l’album traite de la vérité, de la manière dont notre monde moderne la maltraite, quitte à nous plonger dans l’abîme. Les douze titres portent cette violence sourde et cette profonde tristesse que lui inspire son environnement, la désolation à Detroit, le pouvoir entre les mains de Trump.
Le post-punk de Protomartyr prend ses racines chez The Fall, un sentiment de colère brûlante irradie des morceaux comme Here Is The Thing, My Children ou Male Plague, sur lequel Alex Leonard fait des miracles à l’aide de ses baguettes, avant que la guitare de Greg Ahee n’emmène le morceau dans une autre dimension.
Le quatuor se révèle encore plus impressionnant quand il se laisse submerger par l’émotion, frissons garantis à l’écoute des grandioses The Chuckler, Night-Blooming Cereus ou encore le fantastique Don’t Go To Anacita, le groupe accélère, ralentit, repart dans une autre direction pour boucler sur le désespéré Half Sister, « She’s Just Trying To Reach You »…
Album sombre, disque hanté, Relatives In Descent nous plonge dans l’esprit torturé de Joe Casey, immense chanteur, immense parolier, porté et chahuté par un trio de jeunots tout aussi remarquables.
Protomartyr est un grand groupe, un très grand groupe.
Relatives In Descent est disponible depuis le 29 septembre chez Domino Recording Co et Protomartyr en tournée sur le territoire en novembre :