Si Rachid Benzine place une citation de Paul Auster en exergue de son nouveau livre , ça ne peut être un hasard tant Les silences des pères fait écho à L’invention de la solitude du même Auster.
Ces pères présents ou absents, qui pèsent tant. Sur lesquels on s’appuie ou qu’on fuit.
Ici le narrateur de Benzine a fui. Consciemment. Les silences évoqués dans le titre étaient trop présents. À la mort de son père, Amine est prévenu par ses sœurs et se rend à Trappes. Pour l’enterrement. Pour les rites musulmans. Pour dire au revoir à sa façon distante et tirer un trait définitif. C’est le contraire qui va arriver. Amine va se lancer dans une quête car il trouve, cachées dans la salle de bain, de nombreuses cassettes audio que son père avait adressées à son propre père. La vérité, les vérités de cet homme taiseux s’y trouvent. Et Amine en sera bouleversé. De Paris à la Bretagne et au sud de la France, il va retracer l’itinéraire de ce père qu’il n’aura finalement pas connu ou si peu…
Rachid Benzine nous conte aussi la souffrance d’une immigration rendue nécessaire pour aider la famille restée au pays. Ainsi le père quitte-t-il son Maroc natal pour gagner de l’argent. Il travaillera en France de tout son saoul. Et il fondera une famille pour laquelle il se sacrifiera jusque dans ses silences tant redoutés par son fils.
« Et tu sais pourquoi les jeunes ils ne connaissent plus ces histoires ? Parce que les vieux comme ton père ils ont voulu que toutes les souffrances, tout ce qu’ils ont subi, s’arrêtent avec eux. Ils voulaient vous en préserver. Pour que vous soyez libres de réussir votre vie, sans rancoeur, sans amertume. parce que même s’ils n’ont vécu qu’une existence très modeste, ils n’aspiraient pas à autre chose pour eux-mêmes. C’est pour vous qu’ils ont tout sacrifié. La réussite de leur exil ce n’est pas la leur, mais c’est celle de votre génération.
Le silence des pères, c’est une histoire de père et fils mais aussi d’assujettissement. Le père d’Amine écoutera son père jusqu’au bout et lui obéira. Quitte à en souffrir toute sa vie. »
─ Rachid Benzine, Le silence des pères
Il arrive, rarement, qu’en lisant une œuvre, on soit à la fois heureux et triste. Jusqu’aux larmes qui apaisent, un peu. Voilà, Le silence des pères fait un écho, très fort. Et je ne peux m’empêcher de penser aussi à la chanson de Dominique A : Pères.
A eux deux, Rachid Benzine et Dominique A trouvent des mots, des phrases qui semblent universelles. Tout comme dans L’invention de la solitude (Paul Auster). Trois œuvres qui se répondent ou s’interpellent me semble-t-il, à des années de distance. Trois à placer côte à côte dans une bibliothèque/discothèque.