[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]a mort et la souffrance hantent le nouvel ouvrage de Sandrine Collette : Il reste la poussière.
Souffrance morale, souffrance physique, tourments de l’âme. Toujours aussi peu d’espoir.
La Patagonie pour décor. De la steppe froide, des vents glacés et de la poussière. Une ferme. Un couple avec 4 enfants.
Le père disparaît assez vite de la scène.
La mère, bloc de granit, dure comme du fer, pas aimante pour deux sous.
Les ainés, des jumeaux qui se serrent les coudes.
Un troisième enfant quasi laissé pour compte car débile selon la famille.
Et le dernier, le malvenu, détesté par les jumeaux qui passent leur temps à le maltraiter. Rafael, dit aussi le petit, est au centre du roman.
La première partie du livre se passe ainsi. Entre deux raclées, Rafael tente d’exister, de comprendre pourquoi il doit subir cela, sous l’oeil de la mère, qui ne dit rien, laisse faire.
Sandrine Collette nous décrit la dureté du travail dans ce coin perdu, quasi damné, l’enfer sur terre. Malgré tout, peut-être même envers et contre tout, contre tous, Rafael aime son travail, les chiens, les chevaux, les moutons, les taureaux. C’est la seule satisfaction de sa vie. Tout va basculer quand, après une énième raclée, Rafael, responsable des chevaux, oublie de fermer l’enclos. Ils disparaissent (sauf le sien) et la mère peut donc l’envoyer chercher les manquants.
Rafael se retrouve seul dans l’immensité de son pays. Il expérimente la joie de vagabonder et de découvrir de nouveaux paysages, même s’ils sont désolés.
Un événement que nous ne pouvons que taire ici, pour laisser un peu de suspens, va entraîner toute la famille vers une nouvelle donne et précipiter les choses.
Sandrine Collette nous offre ici une nouvelle facette de son talent. Elle devient conteuse. Neutre. Ses personnages sont plus horribles les uns que les autres. Seuls Rafael et son aîné, Steban, qui subit lui aussi les foudres des jumeaux et les remarques de sa mère, échappent parfois aux descriptions vengeresses de l’auteur.
Les grands espaces d’un côté et l’intime de l’autre. L’intime dans l’absence des relations au sens où la fraternité n’existe pas ici.
Comme souvent chez Collette, il n’y a pas de rédemption. Pas d’aide ou si peu. Chacun doit s’en sortir seul et écraser l’autre.
Sa langue est âpre, sèche et tendue. Ses descriptions nous font ressentir la dureté de la vie de ces fermiers. Les sentiments, absents la plupart du temps, sont d’autant plus violents quand ils affleurent.
La mort, omniprésente, chez les hommes ou les animaux, devient presque banale. Mais l’auteur, habilement, à travers un autre personnage, nous la fait ressentir cruellement à travers, par exemple les pages extraordinaires consacrées à une agonie longue, difficile, repoussée le plus loin possible. Même les mauvais, les plus terribles, s’accrochent à la vie, n’ont de sentiments que pour eux, leur argent, un futur possible.
La fin du roman ne surprend pas. Elle était attendue presque depuis le début. Seuls quelques événements inattendus la retardent, la repoussent avec des alliances contre nature qui finissent par exploser.
Et le calme, enfin, qui revient. La nature, les animaux, la ferme qui reprend ses droits et offre, peut-être, une seconde chance…
Il reste la poussière de Sandrine Collette, Editions Denoël, collection Sueurs froides, février 2016