[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]E[/mks_dropcap]n 1991, les obscurs et complètement oubliés The Becketts sortaient Me And Robert Forster. Outre d’en faire, pour quelques jours, ma chanson préférée de tous les temps, j’y voyais le summum de la coolitude d’avoir un chanson à son nom et qui donc pouvait le mériter plus que le leader des Go-Betweens alors séparés depuis 2 ans ?
Je ne sais pas si Robert Forster a déjà entendu ce titre, même si son beau et poignant livre Grant & I : Inside And Outside The Go-Betweens pourrait me donner quelques indices. Je vous encourage d’ailleurs à ce sujet à relire la splendide interview réalisée par mon ami David Jegou.
A l’heure où le vénérable australien sort Inferno, son sixième disque solo, une chose est sûre, à 62 ans, Robert Forster, c’est toujours la classe absolue et décontractée, à l’image de cette géniale pochette :
Si tout a déjà été dit sur le belle et triste histoire des Go-Betweens, on y revient forcément quand on parle de Robert Forster. Inferno est d’ailleurs peut-être l’album qui rappelle le plus cette aventure partagée entre lui, Grant Mc Lennan et les autres pendant près de trente ans, 16 Lovers Lane en point d’orgue d’une discographie tout à fait remarquable.
On y retrouve en effet tout au long de ces 9 nouvelles chansons, cet équilibre parfait entre ballades angéliques et pop songs enjouées et mélancoliques, à la frontière du rock sans jamais vraiment la franchir. Inferno semble compiler la noirceur de The Evangelist, son splendide album sorti après le décès de Grant et le plus souriant Songs To Play, sorti en 2015 dont on avait dit tout le bien qu’on en pensait ici.
Inferno a été enregistré à Berlin, son nouveau lieu de résidence, avec sa femme Karin Bäumler et Scott Bromley, déjà présent sur son disque précédent. Son groupe, The Magic Five voit arriver de nouvelles têtes en la personne du batteur des Tindersticks Earl Havin et du claviériste Michael Mülhaus croisé chez Blumfeld.
Quant à la production, c’est le grand Victor Van Vugt qui l’assure. Aux manettes auprès de Nick Cave, Beth Orton, PJ Harvey ou The Apartments, il n’avait auparavant collaboré avec Robert Forster qu’une fois, en 1990, pour Danger In The Past, le premier album solo du natif de Brisbane.
Il est beaucoup question du temps qui passe sur Inferno, du passé inoubliable et de l’avenir incertain. Robert Forster y porte un regard serein et amusé, conscient que tout ne s’est pas passé comme espéré mais sans regret (splendide No Fame) et prêt à aller de l’avant (I’ll Look After You).
Comme il le dit lui-même sur le terriblement lucide Remain, There Was A Time That I’ve Known When My Work, When My Fims Weren’t Shown ou bien encore I Know What it’s Like To Be Ignored Forgotten. Pourtant aucune colère ne transpire, Robert continue d’avancer, d’écrire de belles chansons et de les réunir sur un album dès qu’il en a la matière et l’envie.
Ainsi, sans avoir l’air d’y toucher, en toute décontraction, il ouvre Inferno en mettant en musique un poème de Yeats, Crazy Jane On The Day Of Judgement, comme si cela allait de soi. En effet, ça va de soi et c’est juste magnifique !
La suite est du même niveau, après avoir abandonné toute espoir de célébrité sur No Fame, il fait le malin, les pieds dans l’eau sur le charmant Inferno (Brisbane In Summer), la classe toujours, même en espadrilles !
Il partage ensuite le micro avec Karen sur Morning, aussi belle que la plus belle des Go-Betweens, enchaîne sur la jolie ballade à déguster au soleil couchant. L’album ne faiblit pas un seul instant et atteint même son apogée avec One Bird In The Sky et ces 5 minutes et quelques pendant lequel le temps semble suspendu, violons et guitares en harmonie avec la voix toujours aussi belle de Robert Forster.
Inferno c’est un voyage au paradis, en compagnie d’un bonhomme génial et vrai, d’un vieil ami pour toujours.
Robert Forster – Inferno
disponible depuis le 1er mars chez Tapete Records/Differ-Ant