[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]I[/mks_dropcap]l me faudrait des centaines d’images pour décrire la musique de Robin Foster. L’ex guitariste du groupe Beth a un épais catalogue de photos imaginaires qui traversent notre esprit à l’écoute de son œuvre. De panoramas larges aux gros plans intimes, l’anglais réfugié pas loin de chez votre serviteur (sur les côtes magiques de Nord Bretagne) n’est pas avare en expériences. Aussi divers que remarquables, les éléments de son imposant puzzle se rassemblent dans une discographie riche qui navigue ici et là entre l’illustration cinématographique et appropriation personnelle de l’espace.
C’est sans doute son album PenInsular (2013) qui lui permettra de se faire un nom vis-à-vis du « grand public », fourmillant d’experts en tout genre. Les inspirations de l’intéressé sont marquées par le post-rock, vaste domaine où je retrouve chez lui moins les effervescences endiablées que les plages apaisées propres à l’univers sauvage de Camaret-sur-Mer.
À force de côtoyer Dave Pen (le chanteur du groupe Archive), il y a eu sans doute une volonté de briser une simple vision contemplative des vapeurs sonores pour légèrement glisser vers des ondes moins conceptuelles, sans pour autant appréhender un monde strictement concret. C’est ainsi qu’est né Empyrean, quatrième album faisant la part belle aux sensations pénétrantes.
Par curiosité, je prends mon dictionnaire et découvre que l’empyrée est le nom donné dans certains systèmes cosmologiques antiques à la sphère céleste supérieure. Partie la plus élevée du ciel, que les dieux habitaient. Il serait donc question d’élévation suprême ?
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]À[/mks_dropcap] cette question, il convient de botter en touche de manière prudente. En effet, l’écoute attentive des dix titres qui constituent Empyrean ne permet pas d’être aussi tranché.
L’album s’initie sur des saturations aiguisées comme le silex, un déclic qui vient rompre l’introduction climatique d’Hercules Climbs The White Moutain. Le plus célèbre des héros grecs réputé pour sa force est donc mis à l’honneur dans cette escalade vers les sommets. La progression est parfaitement rythmée et permet de plonger le spectateur dans les troubles d’une attente savoureuse.
Robin Foster combine alors son nouveau plan avec une instrumentalisation précise des interstices. Les programmations vrillent parfaitement sur une approche séquencée. Le jeu affolant de Steve « Smiley » Barnard à la batterie n’est pas étranger à cette émergence de reliefs. À l’époque bénie de la 3D, cette illustration auditive d’un film fantôme est raccord avec tous nos sens. Les battements sont parfaitement inscrits dans la tentation de suggestions descriptives. Cette nouvelle production se voit revêtir un habillage ajusté sur mesure, un dynamisme impulsé avec le plus grand soin.
Les découpages d’Everlast, titre chanté par Ndidi O, administrent une ampleur aux mélodies. La pop est hyper calibrée et permet de retenir un instant un peu plus proche d’aspirations que je qualifierais (trop ?) rapidement de classiques. Il est vrai que les humeurs plus diffuses de Roma, qui lui succède, viennent contraster avec cet air chanté. Pour autant, la guitare vient opérer une délivrance inspirée dans cette accélération de la thématique. Elle substitue magistralement la carence de voix. Avec Argentina, c’est le retour puissant des effusions. Le rendu est incendiaire sans que la qualité d’exécution soit négligée.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]U[/mks_dropcap]ne musique aux prétentions hautes, aux arrangements parfaitement encadrés. Peut-être trop même, aurais-je envie de vous dire. Il pourrait, par certains côtés, lui manquer d’une certaine âme, un soupçon de folie non maîtrisée. Le risque serait alors de ne pas apprécier à sa juste valeur les efforts pour brouiller les pistes, subterfuges discrets qui étirent la matière tout en positionnant le format sur une indéfectible ligne de conduite emprunte de passions.
Robin Foster parvient à surmonter cet écueil en plaçant le curseur, non sur des extrémismes racoleurs, mais en déviant certaines idées primitives d’un ronronnement trop facile. À l’instar du titre donnant son nom à l’album, l’hypnotisme n’est pas immobile. Le leitmotiv qui s’étire à l’infini ne tombe pas dans les oubliettes de la forteresse. Le jeu de montage puis de remontage incessant est là pour divulguer quelques ingrédients toujours pesés selon le bon dosage… nécessité absolue pour faire exploser dans l’Olympe la bonne alchimie.
À l’inverse, Vauban grésille dans les enceintes. Les effets sont poussés au bord du précipice. Le reflux semble reconnaissable, mais je ne saurais dire d’où me vient cette impression de mélodie ancrée dans mes songes. Sans doute des influences multiples qui s’entrechoquent avant d’accoucher sur le papier. Robin Foster est en réalité un artisan moderne, un ambianceur capable de saisir au vol nos propres rappels cérébraux. Sa technique instrumentale est quasi parfaite au détriment d’un certain besoin de le deviner, dans l’ombre, suant à grosses gouttes. Tout lui semble si aisé…
The Hardest Party est sans aucun doute l’arbre qui cache la forêt. J’avais déjà eu l’occasion d’exprimer mon ressenti vis-à-vis de cette chanson, et de manière générale l’EP qui préfigurait le présent album. Cette fois-ci, l’introduction est à rallonge. Pamela Hute revient tout de même contaminer de son spleen, un futur à la fois mystique et réel.
Pour répondre à ma question liminaire, Empyrean peut-il rejoindre l’apothéose céleste ? C’est sans doute hasardeux et excessif de répondre par l’affirmative. Néanmoins, je vous laisse le soin de vous faire votre propre opinion sur la hauteur de vue, l’album mixé par Jim Spencer et masterisé par Franck Arkwright étant dans les bacs depuis le 3 Février 2017.