[dropcap]U[/dropcap]n livre abandonné à l’arrière d’un taxi. Le chauffeur amnésique, Pierre-Jean Kauffmann le laissera dormir quelques années sur ses étagères avant de lire l’histoire d’Abel Romero, héros du roman de Roberto Bolaño, Etoile Distante et de découvrir un morceau de papier coincé entre les dernières pages portant le nom et l’adresse de son héro.
Kauffmann tente alors sa chance et décide de lui écrire. Le réel rejoint alors la fiction quand, quelques jours plus tard, il reçoit une réponse de Romero, ancien flic et grand admirateur de Javert, très étonné de se retrouver au milieu d’une intrigue littéraire plus vraie que nature. Ils entament alors une correspondance pour comprendre le lien qui existe entre l’ancien policier et l’écrivain. Alors que Romero se lance sur les traces de l’auteur chilien, Kauffmann enquête sur son passé et essaie de rassembler le puzzle de sa mémoire, de traquer son minotaure et ses parts d’ombre.
Il n’y a pas de ligne de démarcation entre ce que d’un côté on appelle le réel, et de l’autre l’imaginaire. D’ailleurs, les personnages de fiction ont souvent bien plus d’épaisseur que les personnes réelles, et vous comprendrez mieux le monde en lisant Bolaño qu’en suivant le telediario de TV1. ( in Le Roman de Bolaño p 135-136)
Plonger à corps perdu dans l’œuvre du géant que fut Roberto Bolaño n’était pas une mince affaire. Mort prématurément à l’âge de 50 ans, il fut sans aucun doute l’écrivain chilien le plus doué de sa génération. Né à Santiago en 1953, il part au Mexique avec ses parents à l’âge de quinze ans, retourne au Chili cinq ans plus tard, assiste au coup d’État de Pinochet, parcourt le monde entier avant de finalement poser ses valises en Catalogne. Écrivain reconnu tardivement il remporte cependant des prix prestigieux tel que le Prix Herralde en 1998. Celui qui ne souhaitait pas devenir un personnage après quelques apparitions dans les textes d’écrivains contemporains (notamment dans Les Soldats de Salamine de Javier Cercas) laisse une œuvre riche et profondément marquée par la question du mal et de la barbarie comme le souligne son éditeur Christian Bourgois à propos d’ Étoile Distante.
C’est précisément sur ce texte que s’appuient Eric Bonnargent et Gilles Marchand pour tisser la toile du Roman de Bolaño. Ce passionnant roman épistolaire mené tambour battant nous balade entre Paris, Barcelone et Ciudad Juarez sur les traces de l’écrivain chilien. Alors qu’ Abel Romero enquête au cœur même de l’œuvre de Bolaño, Kauffmann se plonge dans son passé oublié pressentant un drame dans les profondeurs de sa mémoire. Le lecteur ressent une réelle complicité entre les auteurs, ce qui rend cette correspondance authentique, crédible et juste jusqu’à la fin. Les échanges sont souvent teintés d’humour (on ne peut dissocier Kauffmann de ses pigeons) mais au fur et à mesure que le roman avance et que l’on se rapproche du Mexique, le ton se fait plus grave, plus profond. L’enquête menée au cœur même de l’œuvre de Bolaño est une véritable traque littéraire remplie d’imposteurs et de faux semblants dont le lecteur sort complètement étourdi.
Réflexion sur l’écriture et la littérature, plongée dans l’Histoire sombre du Chili et du Mexique et formidable roman sur la recherche des racines et sur les origines du mal, Le Roman de Bolaño déroute par ses jeux de miroirs et ses mises en abyme mais s’avale d’un trait comme un shot de tequila.
Une seule envie après avoir tourné la dernière page et lu la dernière lettre : découvrir ou redécouvrir l’œuvre de Roberto Bolaño. Prochaine étape : Étoile distante et 2666, les deux romans sont désormais dans la liste de mes futures lectures… Merci Messieurs !
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Le Roman de Bolaño de Eric Bonnargent et Gilles Marchand
éditions du Sonneur, mars 2015
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