[dropcap]D[/dropcap]ix ans après son premier album, Sharon Van Etten revient ce 18 janvier 2019 avec son cinquième album studio, Remind Me Tomorrow chez Jagjaguwar Records / [PIAS]. Dix ans déjà… j’ai découvert comme beaucoup l’artiste avec l’album Tramp en 2012, son troisième, teinté de folk americana, et une voix remplie de fêlures, de vécu, souvent douloureux, persistant, tenter de se détacher d’un passé oppressant par la musique, forme de thérapie bienfaitrice.
Il faudra attendre 2014 et la sortie de l’album Are We There, pour voir enfin l’américaine prendre son envol, à l’image de la pochette, cheveux au vent, au volant, sur la route, maîtresse de son destin… et premières incursions vers les boites à rythme et autres synthés, me revient en tête le merveilleux Taking Chances, signe avant coureur d’un désir d’explorer d’autres routes musicales, peut-être la fin d’un cycle, sans doute la fin d’un cycle. Souvenir d’un très beau concert au Café de la Danse, le souvenir d’une artiste solaire, sincère, émouvante, et d’une grande générosité avec ses fans… je digresse, mais n’hésitez pas à la découvrir sur scène !
[dropcap]E[/dropcap]n 2015, Sharon Van Etten met une pause à sa carrière musicale, après un EP I Don’t Want To Let You Down, qui coïncide avec sa rencontre avec son compagnon, batteur, tourneur/manageur, Zeke Hutchins. Le début d’une nouvelle vie, trois ans qui ont marqué un nouveau virage pour l’artiste, actrice dans une série pour Netflix, The OA – ne me demandez pas de vous en parler, je ne regarde jamais ou presque de séries – une apparition dans Twin Peaks, maman épanouie depuis deux ans, signant la BO d’un film de Katherine Dieckmann, étudiante en psychologie, le New-York Times a titré début janvier, The Many Lives of Sharon Van Etten / Les nombreuses vies de Sharon Van Etten, à juste titre, elle semble capable de tout mener de front.
A la première écoute, je souris, je sais déjà que cet album va faire grincer des dents, car en dix ans, Sharon Van Etten a su explorer, partir d’une guitare acoustique, d’une formation somme toute classique, et glisser doucement vers l’électro, le drone, le post punk et la dream… quitte à abandonner sa guitare le temps d’un album, ou pas, se positionner en tant que chanteuse, et cette transformation physique, une belle jeune femme un peu timide, sublimée par les années, affirmée, sexy, sauvage… un incroyable mélange entre Siouxie, Kate Bush et Pat Benatar.
[dropcap]P[/dropcap]our l’enregistrement de Remind Me Tomorrow, les rencontres ont fortement influencé sa musique, elle partageait un studio de musique avec Michael Cera, un acteur de série, possédant des synthés, territoire musical tentant, et elle s’est entouré d’un producteur, John Congleton (Explosions In The Sky, Bill Callahan, The Black Angels…), à qui elle a confié ses démos avec trois inspirations, Nick Cave (Skeleton Tree), dont elle a fait la première partie, Portishead et Suicide… gardez bien ces noms en mémoire en écoutant l’album.
Premier constat la pochette, moche, je le dis à titre personnel, j’attends vos avis, bien que je comprenne le message, j’ai du mal, couleurs criardes, cadre vieillot, bordel ambiant, mais au milieu se cache une pochette d’album, vie de famille et responsabilités, ambition et création, une cohabitation qui ne semble par freiner Sharon Van Etten, le message est clair, mais mince cette pochette ! Ne pas s’arrêter sur les apparences, et après une première écoute pour cerner l’ensemble, surprenant… et au bout de quelques écoutes la magie opère.
[dropcap]P[/dropcap]remier titre, I Told You Everything, elle s’adresse à son compagnon, confession d’un moment douloureux, ambiance intimiste, piano, nappes feutrées, la voix de Sharon, tout en douceur… album autobiographique, bien plus lumineux que les précédents !
Dès le second morceau, nous sommes perdus, et pourtant cette voix hypnotique est bien là, No One’s Easy To Love, lorgnant vers la dream pop, arpeggiator, voix reverbée… merveille à titre personnel – au bout de quelques écoutes – céleste, entêtant… au troisième titre, Memorial day, je ne sais plus, je fais abstraction de ce que je sais d’elle, toujours pas une guitare à l’horizon, l’attente faiblit, mais la découverte prend le dessus, je me décide à plonger dans un autre univers, j’admets que Sharon Van Etten a le droit d’explorer d’autres sentiers, et elle le fait plutôt bien.
[dropcap]C[/dropcap]e ne sont pas les trois singles suivants qui vont me contredire, Comeback Kid, qui donne envie de danser, je n’aurais jamais cru pourvoir associer Sharon Van Etten et danse dans une même phrase, plaisanterie mise à part, c’est rudement efficace !
Jupiter 4, sans doute un de mes titres préféré, le Jupiter 4 un synthétiseur analogique, une ode à la recherche de l’amour éternel, sombre, froid, A love so real…
Mais soudain, Seventeen, avec ce clip, clin d’œil à ses dix-sept ans à New-York, les lieux qu’elle fréquentait, But you’re just seventeen / So much like me, être la même, en même temps différente.
[dropcap]M[/dropcap]alibu, sans doute un prochain single, ballade au piano, à 2min20 ne pas oublier de s’accrocher fermement à la terre, sous peine d’être condamné à flotter dans une chambre d’écho…
A ce stade, malgré de nombreuses écoutes, il est encore difficile de saisir toutes les aspérités de ce nouvel album, après un You Shadow, un peu en dessous des autres titres, je glisse doucement vers Hands, à la production cold, dream, drone… incisif, suspendu… jusqu’au titre final, Stay, apaisé, piano, réverbération, rythmique organique… il va falloir un certain temps avant de digérer les différentes productions de ce nouvel album, il y avait bien des signes latents en 2014, mais rien ne laissait présager un tel virage. Déroutant à la première écoute, cohérent à la seconde, addictif à la troisième, le genre d’album qui se laisse apprivoiser, ce qui n’est pas pour me déplaire !
Le cinquième album de Sharon Van Etten, Remind Me Tomorrow est sorti le 18 janvier 2019 chez Jagjaguwar Record / [PIAS], il est disponible en Digital, CD et Vinyle chez tous les bons disquaires !
Sharon Van Etten sera en concert en France pour une seule date pour le moment :
1er Avril 2019 à La Maroquinerie (Paris)
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https://youtu.be/G8l3lUZ0qC0
😉 https://youtu.be/3I3vJ2bjb4U
Cette nana est merveilleuse en live, dommage qu’elle ne passe qu’à la Maroquinerie, pour l’instant…! 😉