Tiens, ça faisait longtemps, une petite visite caustique de la famille et de ses névroses, comme les scandinaves savent nous en faire, et que tous les médias nous présentent comme un portrait au vitriol, décapant, tout ça, tout ça…
Le pitch de départ est une très bonne idée, et les parti-pris de mise en scène initiaux pour le moins surprenant. En longs plans fixes restituant en temps quasi réel des séquences souvent dépourvues d’événements, avec un sens du cadre transformant un hôtel alpin de luxe en prison aseptisée, Ruben Östlund annonce un regard sans concession. La ritournelle de Vivaldi, qui deviendra très vite irritante au plus haut point, semble aller avec le décor, musique d’ascenseur particulièrement inappropriée, tandis que de longues ellipses restituent l’effervescence qui agite la gestion des pistes de ski, ballets des machines, des canons à neige et des remontées mécaniques.
Le micro événement, à savoir la désertion du père face au danger, occasionne un retour obsessionnel de l’une et un déni maladif de l’autre qui fait vraiment sens dans les premiers échanges. On saluera à ce titre les performances de Johannes Kuhnke et surtout Lisa Loven Kongsli en mère désemparée, sosie de Marina Hands particulièrement convaincante.
Est-ce par ce qu’il est trop sûr de lui qu’Östlund finit par faire n’importe quoi ? Entre intrigues secondaires (contamination du problème sur le couple d’amis), crises grotesques pour surligner l’implacable dégradation des relations, rôles pathétiques des enfants qui pleurent tous les quarts d’heure, le film s’embourbe inexorablement. La lenteur qui pouvait annoncer sa force enfonce le clou de ses maladresses. Les deux heures sont absolument interminables, totalement infondées au vu du sujet traité, répétant vainement des situations déjà vues et n’apportant rien à la psychologie des personnages.
Alors que le spectateur est passablement excédé par ces patinages narratifs, la dernière demi-heure fait exploser en vol les derniers remparts de légitimité du film : accumulant des séquences de moins en moins crédibles (la beuverie, l’accident dans la neige, peut-être « feint » par la mère pour « rassurer » les enfants, le bus), le récit, incapable de conclure et de faire sens, se décrédibilise définitivement.
Ce n’est pas faute d’avoir averti les gens : le hors-piste, quand on ne maîtrise pas, c’est sacrément risqué.