[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]B[/mks_dropcap]elle idée de départ que de s’intéresser, avec ce Superman, au parcours sans faute d’un cadre supérieur et à sa descente vers les abîmes de la dépression. Les tons neutres, le dessin qui épouse la rectitude des buildings, l’expressivité froide des visages… Tout concourt à faire basculer Chris vers l’inexorable. Néanmoins, la BD de Gion Capeder possède les défauts de ses qualités, contribuant aussi à créer de la distance.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]E[/mks_dropcap]n embuscade pour grimper dans la hiérarchie de la grande entreprise internationale dont il est salarié, Chris est envahi par un profond mal être. Il ne sait pas d’où cela vient, lui qui a tout pour être heureux. Une femme aimante, une petite fille qui adore qu’on lui raconte des histoires le soir pour s’endormir, des vacances exotiques, des collègues admiratifs…
De quoi nourrir le respect de tous et toutes. Sauf que Superman s’interroge. Il a des trous d’air, a besoin de sortir du carcan familial traditionnel, d’une ascension professionnelle toute tracée. Pour autant, il ne s’en donne pas les moyens, préférant se mettre en danger, se mentant à lui-même comme à ceux qui l’aiment et ne doutent pas un seul instant de sa loyauté, de sa force de travail, de son sérieux. Les apparences pourtant, sont trompeuses.
L’envers du décor ? Ce sont ces parties de jambes en l’air, les boissons énergisantes avalées par dizaine, les mutilations, les accès de violence voire les envies de meurtre… Ce double qui n’est pas lui-même, Chris le vomit, au sens propre comme au sens figuré. La bande dessinée illustre bien cet état d’âme, mais elle nous tient à distance aussi, faisant de nous un spectateur parfois désorienté.
En effet, la froideur des ambiances, l’enchaînement abrupt des scènes d’une page à l’autre, le manque de sincérité et d’empathie de Chris pour ses semblables, contribuent à ce qu’on se sente de moins en moins concerné. C’est dommage même si ce le procédé n’est pas inintéressant. Nous aurions été curieux, par exemple, de voir se prolonger la conversation de Chris avec sa psychanalyste, plusieurs perspectives ayant été ouvertes avec ce passage avant d’être (trop) vite refermées.
L’exercice proposé par Gion Capeder (Le 7), au scénario et au dessin, présente donc quelques limites. Mais n’hésitez pas à vous faire votre propre opinion. Le désœuvrement est un jeu piégeant. Vous vous laisserez peut-être surprendre !
Superman de Gion Capeder
Éditions Sarbacane, août 2018