Quand un réalisateur de renom est annoncé à la tête d’une nouvelle série, la prudence est généralement de mise : il n’est souvent là que pour quelques épisodes, parfois seulement le pilote – et quand ils sont producteurs c’est encore pire, en témoigne l’assez mauvais Under the dome estampillé Spielberg. Rien de tout cela avec The Knick, réalisé de bout en bout par le caméléon Soderbergh. Dans la lignée du sous-estimé Contagion, l’américain y dépeint le quotidien du Knickbocker Hospital (rien à voir donc avec le basket-ball, Knickerbockers désignant les immigrés hollandais de New York) en 1900.
Emmenée par Clive Owen en chirurgien défricheur (et lointain aïeul de Nurse Jackie) et par Eve Hewson, fille de Bono, en infirmière-nue-sous-sa-blouse, la série reprend de Contagion un traitement que le spectateur distrait pourrait juger clinique mais qui s’avère redoutable de précision et de classe. La série est formellement, avec True Detective dans un genre très différent, l’une des plus belles qui aient été diffusés à la télévision, sans jamais tomber dans l’ostentatoire.
Comme dans True Detective d’ailleurs, la splendeur paisible de The Knick se rappelle au spectateur, par contraste, dans son épisode le plus violent, Get a rope, morceau de bravoure de mise en scène comme l’était le plan-séquence insensé de la fusillade du quatrième épisode des aventures de Rust et Martin. La série à toubibs, genre épuisé depuis belle lurette, subi ici une cure de jouvence bienvenue qui tient autant à l’époque choisie (en 1900 on invente des gadgets et des procédés plus souvent qu’on ne sauve les patients, dans une ambiance do-it-yourself sanguinolente) qu’à l’attachement aux personnages.
Filmant en grand-angle, la caméra empathique reste au plus près d’eux et s’intéresse moins aux effets de foule qu’aux regards lourds de sens autour de la table d’opération. Les préjugés semblent d’époque mais les thèmes, eux, s’avèrent on ne peut plus modernes : l’accès au soin, l’avortement, la paternité, la toxicomanie, le féminisme et la ségrégation raciale s’entrechoquent sans moralisme lénifiant. In fine, l’autre meilleure nouveauté de l’année, rien de moins.