[dropcap]C[/dropcap]ommencer un roman et penser ou faire un parallèle avec TC Boyle ou Thomas Pynchon, voilà un signe plutôt positif.
Peut-être est-ce le côté livre somme qui nous pousse aussi à cela. Plus de 500 pages dans un grand format, Tupinilândia s’aborde avec respect et un peu de crainte. Le respect reste, le crainte s’efface vite.
Samir Machado De Machado démarre son roman avec une interview (on comprendra plus tard de qui il s’agit) dans un prologue magnifique où il est question d’amour de la littérature, des images et du cinéma. De Walt Disney, de son talent pour marier images et musiques et de l’admiration qu’il suscite notamment chez un jeune brésilien. Il est également question d’un certain parc d’attractions (là aussi, l’auteur reviendra sur cela), œuvre de toute une vie. Point commun entre Disney et un des héros de Tupinilândia, le patriarche, celui part qui tout arrive.
« … Les gens disent de moi : tiens, voilà M. Flynguer, qui a connu Walt Disney, comme ils diraient tiens, c’est cet homme qui a vécu au temps des dinosaures et connu le monde avant qu’il devienne monde. Mais la vie porte en elle le drame de tous les cinéphiles : voir un film pour la première fois est une expérience qu’on ne peut pas répéter. »
Il resterait à Joao le souvenir des couleurs et des sons de ces semaines-là, du dessin de Donald que Frank Thomas fit pour lui sur la terrasse du Gloria, de l’affiche de Fantasia qu’il accrocha dans sa chambre.
Oui, Tupinilândia est bien un livre somme. On peut y trouver beaucoup. On peut s’y perdre un peu également tant Samir Machado de Machado s’amuse à multiplier ses intrigues. Et l’amusement revient souvent. Il côtoie l’horreur, la dictature, la folie, la politique, l’aventure dans un mélange intrigant, complètement fou, tellement surprenant qu’il emporte notre adhésion, presque par force.
Pourtant, il y a des défauts dans Tupinilândia mais ils s’oublient tant l’auteur s’applique à nous distraire et aussi à nous faire réfléchir.
Car si le bandeau de Métailié parle d’Orwell, ce n’est pas à tort (contrairement à Jurassic Park également évoqué). Il y a bien un parc d’attractions qui inclut des dinosaures, des animaux mais ceux-ci sont mécaniques et une petite fille les animera, dans une scène d’anthologie du livre, pour se moquer des militaires tentant de prendre d’assaut ce même parc.
Mais revenons à Orwell ! Samir Machado de Machado met en scène de façon hilarante un général de pacotille, autoproclamé chef d’une troupe de militaires qui le suit aveuglément. Ce général créera une société dictatoriale dans le parc abandonné au fin fond de l’Amazonie par ses propriétaires après son attaque. C’est la dernière partie du livre.
Drôle et tragique à la fois, elle nous montre les mécanismes à l’œuvre dans une dictature, embrigadement dès l’enfance, surveillance, délation, procès qui n’en n’ont que le nom, exécutions, disparitions et pouvoir de l’image. Orwell et son 1984 transposé en Amérique latine en quelque sorte. Au Brésil plus précisément. Et quand Samir Machado de Machado fait de la politique, il ne se gêne pas pour égratigner son pays. Il est féroce et violent. Dénonçant les militaires, les hommes politiques, les grands industriels. Tout y passe pour notre plus grand plaisir.
Ces gens vivent littéralement dans une bulle de verre ! C’est absurde ! Totalement absurde ! Comment avez-vous pu accepter ça ? Bon Dieu, mais vous n’avez aucun éthique, aucune morale ? Les gens comme vous, ajouta-t-elle en vrillant son index sur Helena, sont le symbole de tout ce qui déconne le plus dans ce pays ! Amorale, corrompue, et surtout complice de ces psychopathes !
Tupinilândia, grand roman, est un mélange, assez cinématographique dans ses scènes d’actions, de roman d’aventure, de dénonciation politique, de déclaration d’amour de la littérature et du septième art. Ce mélange rend l’œuvre inclassable et nous laisse admiratifs.
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Tupinilândia de Samir Machado de Machado
traduit du portugais (Brésil) par Hubert Tézenas
Éditions Métailié, 3 septembre 2020
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Image bandeau : Dan Meyers / Unsplash