01[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]D[/mks_dropcap]epuis le temps qu’on attendait le troisième volume des aventures (de l’odyssée ?) de Vernon Subutex, le voilà. Un des principes de cette trilogie, c’est la prise directe avec le contemporain et le passé proche.
Le volume 3 ne fait pas exception à la règle, et on y retrouve d’emblée les personnages auxquels les lecteurs se sont attachés dans les deux premiers volumes, et dont la liste est rappelée en début d’ouvrage, chaque nom étant accompagné d’un bref résumé de l’identité et du rôle joué par le personnage en question. Le volume 2 ayant paru en juin 2015, ce n’est pas superflu…
En deux ans, dans quelle mesure notre monde a-t-il changé ?
L’attentat contre Charlie Hebdo, le massacre du Bataclan sont en première ligne des coupables qui font que la société parisienne n’est plus celle qu’elle était en 2015. Car c’est bien de cette société parisienne urbaine qu’il s’agit, même si une partie de ses membres, adorateurs du nouveau gourou Vernon Subutex et de ses « convergences », s’égaille dans tous le pays au gré des rassemblements du mouvement.
Les événements de novembre sont survenus quelques mois après la parution du volume 2, ce qui explique probablement le temps qu’il a fallu à Virginie Despentes pour nous offrir ce volume 3. Inutile d’essayer de résumer les innombrables péripéties qui vont affecter la vie des personnages : elles ne sont que les éléments qui composent un mouvement général, une avancée inexorable vers le mur, droit dans le mur.
Un élément néanmoins va déclencher cette onde de choc : l’irruption dans le monde des convergences, celui de l’idéal incarné par le gourou Vernon Subutex, d’une grosse somme d’argent… Le mal incarné en quelque sorte. L’argent et la peur. Que va-t-il advenir du gourou et de ses disciples ?
Côté style, rien de bien nouveau sous le soleil. Virginie Despentes regarde vivre ses congénères, les écoute, observe les évolutions de leurs comportements, constate l’emprise grandissante du virtuel, des réseaux, de la technologie et de l’argent. L’emprise des religions, à la source de la peur qui nous étreint.
Despentes décrit, tempête, proteste, constate.
Le terrorisme n’est pas nouveau. Il suffit de repenser aux années 80, à la vague terroriste qui culmina avec l’attentat de la rue de Rennes en 1986. À l’époque, les motivations étaient analysées sous un angle politique, tout comme pour les attentats de 1995, perpétrés par des groupes islamistes mais dans le contexte de la guerre civile en Algérie.
En 2015, la religion a pris la place de la politique : est-ce pour cela que Virginie Despentes développe, avec les convergences de Vernon Subutex, un mouvement qui peut s’apparenter à une religion ? Pourquoi son utopie est-elle de l’ordre du culte et non pas du ressort du politique ?
Signe des temps, refus de l’utopie, telles sont les questions qu’on se pose en lisant ce troisième Vernon Subutex. Certains romans récents sont allés, avec un certain courage, au bout de l’utopie ; ici, on a la sensation que l’auteure a freiné des quatre fers devant cette démarche-là.
Confusion des idées, confusion des sentiments : en refermant le livre, on a la sensation que Virginie Despentes, si elle pose beaucoup de questions et lance beaucoup d’accusations, n’envisage pas de réponses, et s’en trouve à la fois désorientée, enragée et désespérée.
Un peu comme nous…
Vernon Subutex 3 de Virginie Despentes
Paru aux éditions Grasset, 2017