[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#e30e0e »]L[/mks_dropcap]e 45ème festival de la bande dessinée se tenant à Angoulême du 25 au 28 janvier, permettons-nous de plancher un peu pour parler bulles…
Avant de devenir le philosophe le plus lu et respecté du siècle des Lumières, François-Marie Arouet, dit Voltaire, fut un jeune homme tout ce qu’il y a de plus désinvolte, excité… et défroqué ! Sans être repoussant, l’homme n’était pas beau, mais sa verve enflammée, son goût pour le raffinement ainsi que la modernité de ses idées le mèneront aux bras (tout comme dans les draps) de plus d’une dame… C’est donc un picaresque « Voltaire in love » qui nous est ici croqué sous les traits facétieux de Clément Oubrerie !
J’ai certes été créé libre… mais il faut que j’apprenne à mieux me gouverner.
Après avoir dessiné la jeunesse de Picasso, Clément Oubrerie confirme son goût pour les folles années des génies, révélatrices sans doute de ce que ces hommes devenus personnages avaient de plus vivants et communs.
En effet, si le philosophe écrit beaucoup en s’estimant tour à tour poète puis tragédien, il doit bien souvent payer le prix de son insolence et abandonner sur l’instant quelque combat moral pour maintenir sa situation matérielle ou reconquérir sa belle !
Tâtant de la Bastille comme de la censure, des transports de l’amour comme de ses ruptures, Voltaire, riche d’une fougue juvénile et sûr de lui, ne doute jamais de son esprit. Plein d’entregent, il séduit les fortunes et autres potentiel.l.e.s mécènes avec un sens de la répartie toujours applaudi, et joue d’une sensualité assumée dans certaines alcôves…
Le plus grand malheur d’un homme de lettres, voyez-vous, n’est pas la jalousie de ses confrères, ou le mépris des puissants du monde… mais d’être jugé par des sots.
Sous des lignes fines aux détails délicats s’animent des traits plus ronds et incarnés : chaque planche offre une scène à la théâtralité de papier ! Les couleurs semblent restituer l’humeur et le ton à travers lesquels s’exprime et s’épanche notre fieffé coquin.
Si l’on sent tout le respect que le dessinateur a pour l’œuvre du penseur, il n’est pourtant pas dupe ; c’est d’ailleurs avec une ironie empruntée à son héros qu’il nous le livre en proie à ses propres paradoxes tout en illustrant les pirouettes rhétoriques dont ce dernier use pour toujours rebondir ! Ainsi, sans idéaliser cette grande figure du XVIIIe, Clément Oubrerie s’attache à conter ce que l’on pourrait nommer la crise d’adolescence du brillant écrivain.
Il n’y a rien de plus dangereux que de se répandre dans le monde sans avoir appris à le connaître, n’oubliez jamais ce conseil !
Relevons également la qualité de vulgarisation dont l’auteur fait preuve dans la restitution du décor et du contexte historique : sans céder à une approche scolaire, Voltaire Amoureux offre une lecture divertissante dans sa forme, et foisonnante dans son contenu. Un premier volume soigné et truculent pour cette série prévue en quatre tomes.
* Sans risquer de tomber dans le ruisseau de ce « vile bigot » de Rousseau, l’on peut tout de même souligner l’air quelque peu candide, voire ingénu, que notre cher Voltaire affiche sur la couverture pourpre de la BD qui lui est dédiée…