On ne peut pas dire que Paolo Sorrentino n’est pas constant. Toute son œuvre cinématographique, de L’Uomo in piu en 2001 à La grande Bellezza en 2013, aura eu pour thématique la déchéance, ou cette « decadenza », en version italienne. Ce thème revient évidemment dans ce film, 2ème film tourné à l’international dans les 8 films du réalisateur italien.
Youth n’est pas le grand film que l’on attendait tous, en tout cas pour ceux qui suivent le cinéma de Sorrentino et plus largement le cinéma italien contemporain. Mais on ne peut que constater la maîtrise, autant du point de vue scénaristique qu’au niveau de la mise en scène, dont fait preuve le réalisateur.
Fred Ballinger, compositeur à la retraite, et Mick Boyle réalisateur sur le déclin magistralement interprétés par Michael Caine et Harvey Keitel, passent leurs vacances dans un de ces hôtels suisses pour ultra-riches.
Dans cet hôtel déambulent des personnages qui balayent leurs déchéances comme on époussette des tâches de peinture indélébiles sur une veste haute couture. Il y a notamment ce personnage mémorable, faisant explicitement référence à Maradona, à la différence près qu’à la place des tatouages du Che et de Fidel Castro qu’arbore le footballeur argentin, celui-ci a sur le dos, un grand tatouage représentant Karl Marx.
Mais au-delà de ces personnages burlesques, quasi muet, d’autres personnages sont plus touchants et présents. Ils tournent autour de ce couple formé par Fred et Mick. Par exemple l’acteur Jimmy Tree interprété par Paul Dano. Lui, regrette de n’être reconnu qu’à travers un rôle de robot. Il y a aussi Lena Ballinger interpreté par la sublime Rachel Weisz, qui considère, au cours d’une conversation, qu’elle a deux métiers « assistante et fille de Fred Ballinger ». Durant ce séjour suisse, elle se retrouve esseulée par son compagnon Julian Boyle interprété par Ed Stoppard. Celui-ci la préfère à Paloma Faith, la chanteuse anglaise qui apparaît dans le film pour jouer son propre rôle.
Ces personnages sont comme des piliers autour desquels tourne la caméra. Il y a la volonté de nous montrer ces personnages comme des miroirs sur les problématiques qui les hantent. Beaucoup de thèmes sont ainsi abordés dans le film comme les relations amoureuses et familiales, l’estime de soi, la jeunesse, la vieillesse…
C’est le défaut du film, vouloir en dire beaucoup sur plein de sujets différents, faire un film fourre-tout, même si cela consiste toujours à revenir au thème favori du réalisateur. Les autres défauts du film ne sont en réalité que des effets servant l’idée de Paolo Sorrentino. Ce côté « m’as-tu vu » de l’image, faisant penser à un clip ou à une pub aux couleurs très criardes vient renforcer le scénario et cet intérêt porté pour la « decadenza ». La séquence du clip de Paloma Faith en est d’ailleurs le paroxysme. De même que les dialogues, très sentencieux. Par exemple ce que dit Fred Ballinger marchant avec son ami, dans les envirions de l’hôtel : « les émotions sont très surestimées ». Ils sont plus le reflet de la vacuité des personnages plutôt que de leur intellect de classe supérieure. Paolo Sorrentino sait parfaitement comment créer des personnages antipathiques.
Il dresse à travers ces portraits mordants et finalement attachants, le plus important des portraits. Le portrait d’une amitié. Existant depuis toujours malgré le temps. Devenu vieux, ils discutent du nombre de gouttes que l’on a pu uriner la veille, illustrant la complicité malgré les épreuves de la vie.
Juste avant la fin du film, Sorrentino filme Venise avec grâce et élégance pour finalement clôturer le film sur une séquence plutôt rébarbative et pesante. On peut être confiant pour la suite de l’oeuvre de Paolo Sorrentino elle restera constante et éparpillée de chefs-d’œuvres tels que son précédant film, La grande Bellezza, oscar du meilleur film étranger en 2014.
Youth de Paolo Sorrentino, au cinéma depuis le 9 septembre 2015.