[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#33cccc »]D[/mks_dropcap]on DeLillo livre pour cette rentrée littéraire un roman épinglant le Trans-humanisme par une confusion existentielle, révélant son absurdité.
L’un des auteurs contemporains les plus importants de sa génération se livre à une bataille contre cette pensée qui fait son chemin aux États-Unis. Mais il semble aussi être à bout de souffle, comme épuisé contre les dérives idéologiques que l’existence humaine semble inexorablement construire sur son passage.
L’histoire commence quand Jeffrey, le narrateur, part avec son père Ross Lockhart dans un centre nommé La convergence, bâtiment ultra-moderne situé dans un désert d’Asie centrale. Ils partent pour accompagner Artis sur le point de mourir, afin d’y être conservé et lui redonner vie.
Le lecteur navigue à travers les pages perdu lui aussi dans le dédale des couloirs sans âmes. Le bâtiment est comme conçu pour interroger cette nouvelle possibilité de dépasser la mort. Ross Lockhart est le principal donateur du bâtiment de La convergence, et son fils le nomme uniquement par son nom, pour le mettre à distance. L’écriture dans cette première partie est aussi labyrinthique que le bâtiment et possède une beauté vertigineuse.
Dans la deuxième partie, les protagonistes reviennent à New York pendant un temps. On se croit alors dans un autre livre. Don DeLillo se met à écrire un roman existentialiste ordinaire où les éléments étranges ne sont pas encore assez forts pour détrôner le quotidien de la Big Apple.
Parmi ces étrangetés, il y a Stak, fils adoptif d’une femme avec qui le narrateur vit une idylle platonique. Ce jeune adolescent d’origine ukrainienne se comporte étrangement, tel un autiste surdoué. Puis, Jeffrey se retrouve face à une question complexe : « À partir de quand un homme devient son père ? ». Cette esquisse d’un vertige existentiel est faite à main levée, d’un trait élégant dessinant des corps luttant contre la mort et s’interrogeant sur le sens de leurs existences.
Mais c’est une esquisse qui nous laisse sur notre faim, et l’écrivain manque de souffle pour nous livrer un roman puissant, écrasant par la fiction une idéologie qui veut nous transformer en autre chose que des êtres mortels se posant d’incessantes réflexions sur eux-mêmes.
Don DeLillo, que l’on ait lu ou non ses précédents livres, se révèle dans celui-ci en grand écrivain, mais avec le poing relâché, possiblement désarmé face à la dérive idéologique de grandes puissances, Google en tête, plaçant l’existence au rang d’un simple mécanisme.
Zero K de Don DeLillo
traduit par Francis Kerline – paru aux éditions Actes Sud le 6 septembre 2017.