[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]V[/mks_dropcap]oilà qui est fait. Vernon Subutex est devenu une série télévisée.
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9 épisodes – 35 min
Scénaristes : Benjamin Dupas et Cathy Verney
Réalisatrice : Cathy Verney
Distribution : Romain Duris, Céline Sallette, Laurent Lucas, Flora Fischbach, Florence Thomassin, Philippe Rebbot, Juana Acosta, Athaya Mokonzi
Production : Je Films, Tetra Media Fiction, Canal+ Création Originale
Diffusion à partir du 8 avril sur Canal+
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L’adaptation des romans de Virginie Despentes suit un fil conducteur simple : Vernon Subutex (Romain Duris), ancienne gloire des années 90, ancien DJ surdoué, ancien disquaire incontournable, ancien chef de meute rock’n’roll, se fait expulser et part à la recherche de solutions temporaires auprès de ceux qui ont pu compter dans sa vie.
Mais ce chemin est loin d’être un pèlerinage, plus une errance d’opportuniste qui n’a jamais rien laissé l’enchaîner, ni le temps ni les gens. Celui qui traîne au présent dans de perpétuels grincements de cuir va pourtant devoir faire face à cet exercice compliqué qu’est la mémoire. Retrouver les potes, constater leur changement (et forcément le sien), Vernon pousse doucement et effrontément les portes pour trouver un canapé où crasher le temps d’une nuit.
Mais le passé de Vernon et ses amis a des trappes secrètes et des pans très sombres. Drogues, sexe, suicides et overdoses, l’autre tranchant de la lame rock’n’roll a laissé des traces et des mystères. La réapparition d’Alex Bleach (Athaya Mokonzi), tornade d’énergie créative et négative, offre à Vernon l’opportunité de sortir du trou dans lequel il tombe… puis l’embarque dans une vraie descente aux enfers en lui laissant un testament filmé le soir de son OD.
Vernon est désormais recherché par des fantômes du passé, acharnés, prêts à tout pour enterrer de vils secrets. Sa pérégrination prend alors un tour dramatique, qui entraîne finalement tout ceux qui vont tenter de l’aider ou le rejeter. Chat noir, le Vernon.
Côté galerie de personnages, on oscille entre réalité et représentation. Réalistes, le performer star camé, le scénariste raté, l’ex-junkie paranoïaque, la critique rock, la tatoueuse impressionnable, le trader psychopathe…
Face à eux va se dresser La Hyène (Céline Sallette), qui arbore son pseudo fatal et tout ce qui la constitue fièrement. Elle est la femme de main de Laurent Dopalet (Laurent Lucas), un producteur de cinéma puant et dangereux, et enfile le rôle du détective privé 2.0 qui se vend pour détruire des réputations sur la toile, accepte tous types de contrats et n’a pas peur de la castagne. Son enquête prend forcément le sillage de Vernon, créant encore une fois le contraste entre noblesse de la lositude rock’n’roll et déshumanisation du projet actuel.
Anciens amis, ex hystérique, punk révolue, tous ces portraits signifient par la mue de chacun, le squelette de la jeunesse laissée sur un bout de bar ou un backstage enfumé.
Alors non, le rock’n’roll ne conserve pas, et la jeunesse n’est pas la seule garante de l’esprit libre. À l’image d’Anaïs (Flora Fischbach), si contemporaine, férue de morale socio-culturelle, qui se débat dans une réalité personnelle plate, mais prête à céder aux exigences de son tyran névropathe de patron… Le personnage idéal pour faire se fissurer l’armure de La Hyène.
En toile de fond, toujours, la sexualité en surimpression et expression franche et ouverte d’une vision du monde. Ici, on a envie, on joue, on se surprend et on veut.
Tout ce beau monde se croise, se cogne, s’aime, se déchire, s’organise ou explose, autour d’un Vernon qui se perd de plus en plus profondément, de moins en moins capable d’affronter la réalité, celle d’un monde dur où tout est possible et malgré tout plus rien n’est accepté. L’homme en guerre contre la tiédeur est désormais dépassé…
Cette histoire et ses circonvolutions sont évidemment relevées d’une bande originale incroyable. Il n’aurait pas pu en être autrement ! L’ouverture du premier épisode sur les Thugs avec leur As Happy as Possible donne le ton : vous allez y entendre beaucoup de rock, beaucoup de vrais morceaux cultes comme des contemporains déjà entrés dans l’histoire – Sonic Youth, Cigarettes After Sex, Poni Hoax, Suicide, The Jesus and Mary Chain… la liste est longue !
En conclusion, la série est plutôt agréablement rythmée, avec quelques menus passages factices voués à une mise en scène pas aussi percutante que le style de Despentes. La voie noire y est trop estompée, gentiment périphérique. Mais ceux qui aiment Romain Duris apprécieront sûrement sa version de Vernon, personnage à la fois absent et omniprésent auquel on s’attache.
À ceux qui ont connu ce genre d’années rock, Vernon Subutex offre une dose de nostalgie évidente sans jamais passer vraiment de l’autre côté du shoot.
Ni trip ni overdose.
https://youtu.be/sn4qp7AyVTc