Découvrir Richaud et lui octroyer, de fait, l’une des belles places de notre panthéon personnel.
Découvrir Richaud, c’est s’émerveiller, se plonger dans l’écriture, les yeux écarquillés, tous les sens en alarme, la folie, la vue, l’ouïe et le toucher, connectés à la nature. L’écriture de Richaud est audacieuse, patrimoniale, un tantinet vieillie mais si violemment atypique. C’est un peu comme renouer avec ses premières lectures de Bove ou de Calaferte, où misère et poésie se croisent et s’entendent, fournissent au lecteur un monde semi-enigmatique, semi-obscure, un monde où l’écriture est vie. Il y avait LireEcrire il y a là VivreEcrire.
Et pour nous quelle jouissance d’être celui qui lit, ce privilégié à qui l’on a remis 70 ans plus tard l’œuvre entre les mains. Où l’on remerciera Atila Virot et les Editions Tusitala pour ce travail d’éditeur(s), intrépide, minutieux, généreux puisqu’ils nous portent là où nous aimons trouver le sens, dans la phrase déstructurée, dans l’écrivain s’interrogeant sur sa présence au monde, dans un rythme halluciné maintenant nos illusions en état de moteur imparfait…
Il faut lire la postface de Benoit Virot dans laquelle on comprend « L’œuvre-La vie », et le soutien d’un éditeur pour son auteur, cette grande capacité à faire, vouloir faire, jaillir de l’autre son potentiel créatif, y croire, le porter :
« Envoie-moi tout ce que tu écris: voilà timbres et enveloppes (…). La Nuit ne se vend pas du tout. Les libraires me retournent les exemplaires en très mauvais état. C’est bête. Mais tu sais, je ne désespère pas; je publierai tout, mais pour réveiller les œuvres anciennes, il me faut de l’inédit. Je t’en prie, je t’en supplie, écris la fin du monde, écris tes mémoires, écris ton voyage sur la lune. J’attends. Je publierai tout. » Déclaration d’amour d’un éditeur Robert Morel, premier à l’exhumer de l’enfer éditorial avec la publication de quatre textes (deux inédits, deux rééditions) entre 1965 et 1968. (…) »
Note de l’éditeur pour la présente édition :
« L’écriture éblouissante d’André de Richaud saisit le lecteur dès la première page, par son style humble et précieux qui semble s’excuser sans cesse de décrire avec autant d’exactitude la complexité des sentiments du narrateur. La force des évocations de la nature qui entoure le narrateur et la vie qu’elles portent en elles contrastent violemment avec les ténèbres de la folie dans laquelle il s’abîme, et l’on reste subjugué par le récit, qui passe de la première à la troisième personne subrepticement, effaçant ainsi encore l’un de nos derniers repaires de lecteur pour nous faire traverser la nuit. »
http://www.editions-tusitala.org/wp-content/uploads/2014/02/la-nuit-aveuglante-postface.pdf