[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap] la sortie en 2012 de son précédent album, Future Vintage, Arno déclarait : « J’ai voulu enterrer Arno ». Pour la première fois, il avait fait appel au producteur John Parish, célèbre partenaire musical d’artistes aussi passionnants que PJ Harvey. On avait bien aimé Future Vintage, sans passion à vrai dire. Depuis deux ou trois albums, on avait un peu l’impression qu’Arno était en retrait, en recherche, même si ses concerts étaient toujours aussi explosifs. Pour Human incognito, il a remis le couvert avec John Parish, et on peut dire qu’il a bien fait de persévérer; il réussit son coup, cette fois-ci, magistralement. Accomplissant le double exploit d’un retour à l’énergie pure, directe, émouvante et de la maturité assumée, avec une lucidité et un humour imparables.
Human incognito est donc à peu près irrésistible, et si on avait eu l’occasion de regretter, ces dernières années, des paroles traitées un peu par-dessus la jambe, cette fois Arno n’y va pas de main morte, et ne cache rien de ses petites et grandes douleurs. L’auto-dérision est au pouvoir, l’absurde aussi, vent debout, et le son, travaillé aux petits oignons par John Parish et l’ingénieure du son des studios ICP de Bruxelles, Catherine Marks, colle magnifiquement au propos. Arno a fait le ménage, comme il dit… Et ce qui reste, eh bien c’est tout ce qu’on aime chez lui : un blues européen unique en son genre – à un moment, il faudrait arrêter de l’appeler le Tom Waits belge, même si on aime bien Tom Waits – des mélodies qui vont droit au cœur, des instruments bruts de décoffrage, une spontanéité explosive, une cohésion à la fois sereine et rentre-dedans.
Pour tous les titres, Arno s’est entouré de ses complices habituels : son bassiste Mirko Banovic, Serge Feys et Ad Cominotto, les « historiques ». Le morceau qui ouvre l’album donne le ton : dans I’m just an old motherfucker, Arno balance l’essentiel. L’âge, le corps qui fout le camp, la lassitude… et quand même, la vie qui se débat et qui finit par jaillir, la jubilation qui s’accroche. Les deux titres suivants s’enchaînent naturellement, il y est question d’utopie, avec une grosse dose d’ironie loufoque : « Please God, please exist » « Je veux vivre dans un monde où les chiens embrassent les chats, et où ils dansent, ils dansent une rumba. » Nous aussi… La métaphore animalière, le sens de l’absurde, les images à la Ensor pour deux morceaux dont le premier assume totalement ses contradictions (Please exist, I am an atheist) sur une musique qui avance droit devant ; le suivant, entre naïveté et cynisme, navigue sous forme de complainte déglinguée.
Arno parle d’amour aussi, beaucoup, dans Human Incognito, et il y va franco, qu’il s’agisse de désertion (Now she likes boys) ou de rupture en douceur (Oublie qui je suis), comme quelqu’un au bout du chemin, qui agite la main en signe d’au revoir. Et quand l’amour fait rage, à nouveau (Never trouble trouble), eh bien ça ne se passe pas comme ça devrait, n’est-ce pas ? Sauf dans les deux autres chansons d’amour qui suivent, Quand je pense à toi et Ask me for a dance, où on a beau ne pas être romantique, eh bien quand même… « J’ai toujours froid quand t’es pas avec moi« .
Pour assaisonner le tout d’une grosse pincée de surréalisme, vous aurez droit à un Dance like a goose à vous dégoûter de l’alcool, à une Chanson absurde de trois minutes où Arno, là encore, rameute les animaux, « une mouche qui louche (…) un serpent qui bande sur un vélo » au service d’un morceau spécial fin de soirée, et un Santé, chanson d’amour nichée au cœur d’une chanson à boire (« Et on boit à la santé de tous les cocus du monde entier« ) et à danser, véritable slow à l’ancienne, cuivres compris.
Cela faisait un moment qu’un disque d’Arno n’avait pas tourné non-stop sur ma platine. Et vous n’imaginez pas le bien que ça fait.
Arno nous a accordé un entretien exclusif à lire ici.
Arno, Human Incognito, Naïve
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