Ma seule frustration au final aura été de manquer le show servi par Kompromat (la prochaine fois, je penserais à emporter ma combi de téléportation). Pour le reste, le bilan de la 42ème édition d’Art Rock fût à la hauteur des attentes avec une foule de 80 000 personnes venue célébrer l’art dans toutes ses formes. Il faut dire que le festival proposait pas moins de 70 propositions artistiques pour trois jours et trois nuits intenses sur les onze lieux de l’évènement. De manière plus lapidaire, j’ai jeté un coup d’œil et surtout les oreilles au gré des passages de Claude, Angélique Kidjo, Juniore, Baby Volcano, Oxmo Puccino, Yseult ou encore la furie chez Pogo Car Crash Control mais c’est un condensé de 11 prestations qui auront particulièrement retenu mon attention.
TOP OF THE POP : 20 ans de carrière pour la figure locale de l’étape, Julie Budet alias Yelle servie par deux batteurs (pour plus de cadence contagieuse) expose scéniquement un panel bien senti de sa discographie. Sans doute plus pertinente avec les tubes vitaminés (Je Veux Te Voir – Karaté – Safari Disco Club) qu’avec les compositions plus intériorisées, l’artiste parvient sans difficulté à donner de belles couleurs à une partition qui résonne à l’image d’un visuel raccord. Totalement pop et accrocheur !

LÉGENDE D’ÉCOSSE #1 : Affluence des grands soirs pour la venue de Texas, groupe iconique des années 80, toujours aussi bien porté par l’aura de Sharleen Spiteri. L’ensemble est fichtrement bien huilé et ce, dès les premiers accords de l’incontournable scie I Don’t Want A Lover. Le formatage est impeccable tout au long du set. Bref, de l’hyper pro avec une mention spéciale pour Cat Myers arborant derrière ses fûts un magnifique débardeur du groupe The Cure… Les hits s’enchainent et le public fredonne à l’unisson comme autant de convives bercés par les heures de gloire de la bande FM. Dans le ciel de Saint-Brieuc, il n’y a plus de ciel gris mais une pluie de confettis.

LÉGENDE D’ÉCOSSE #2 : En 2004, la bande du « crooner électrique » Alex Kapranos était de toutes les unes, brandissant une devise relativement claire, celle de faire du rock pour faire danser les filles. Depuis l’émergence de Franz Ferdinand, lesdites filles ont bien grandi et désormais c’est également leurs propres filles qui se trémoussent sur les secousses du quintette de Glasgow… Sachant que les garçons ne sont pas en reste, ça fait du monde en mouvement. La preuve encore en cette soirée printanière fendue par le son impeccable d’un groupe référence, venu pour défendre le dernier album en date (The Human Fear) mais sans oublier les accrocheuses « vieilleries » comme ce moment dingue vécu sur les quelques minutes du cultissime et sautillant Take Me Out. Une performance qui fait mouche, saluée logiquement à sa juste valeur. Indéniablement l’un des excellents moments du week-end.

LESSIVAGE #1 : Chez Addict-Culture, dire que Ditz est bigrement apprécié est un doux euphémisme. Leur puissance noise n’a d’égal que le bouillonnement vécu intensément en cette fin de nuit de première séquence festivalière. C’est au cœur d’une véritable lessiveuse que je me suis retrouvé… Rincé, essoré et giclé des premiers rangs à force de tumultes XXL. La face sombre qui remue jusqu’à pousser le frontman/woman Cal Francis dans les hauteurs de l’arène. Décidément, les formations originaires de Brighton envoient du lourd au rayon du post-punk tendu, secoué et jouissif !

LESSIVAGE #2 : Beats furieux et chants exaltés pour le terme de la seconde nuit de festivités. La formation californienne Sextile impose dans un défouloir gargantuesque son EBM (Electronic Music Body) revêtu de racines darkwave trépidantes. Tohu-bohu speed et musclé. Forcément, j’ai transpiré.

SET ATYPIQUE : L’une des grandes valeurs ajoutées du festival Art Rock est sans nul doute la capacité à brasser les styles et l’édition 2025 n’échappe pas au succès de la recette. Hip-hop, électro, rock, world, chansons françaises, scène émergente ou artistes confirmés… Il y en avait encore pour tous les goûts et toutes les envies… La présence des jeunes pousses Ne Rangez Pas Les Jardins illustre cette combustion des genres. Le trio sème ici un univers particulier où se mêlent poésie, effusions rock et autres rebonds oniriques. Un vrai régal singulier pour celles et ceux qui souhaitaient dénicher une originalité brouillant les cartes.

SET HYPNOTIQUE : Idéalement placé pour recevoir en cadeau les ondes du tandem électronique Scratch Massive, je n’ai franchement pas été déçu. Maud Geffray et Sébastien Chenu nous ont embarqué dans leur trip, planqués derrière un rideau de vapeurs, enchainant autant les nappes hypnotiques de leur dernier album en date (l’excellent et compulsif Nox Anima) que les enchainements plus technoïdes de leurs précédences. Une livraison vibrante à souhait et surtout diablement agencée. La meilleure des manières de danser dans le noir… Sans oublier la présence forcément attendue de Yelle pour les ombres digitalisées du single Des Choses. Le mix final sera un melting-pot de débordements dancefloor pour le plus grand bonheur de l’assistance et forcément de votre serviteur.

INSTANT DE GRACE : Je vais vous faire une confidence un peu honteuse. Bien qu’admiratif vis-à-vis du mythe qui entoure Bob Dylan, je n’ai aucun disque de cette figure musicale dans mes rayons. Je ne vais pas m’éterniser concernant cette carence mais lorsque Chan Marshall, plus connue sous son nom de scène Cat Power, a décidé de reprendre le répertoire de l’intéressé, j’étais dubitatif à l’encontre du projet casse-gueule… Sauf qu’avec son tel grain de voix, ce chant qui pourrait magnifier l’interprétation de ma liste de courses, il fallait forcément s’attendre à de la grande classe. Après un frisson sur trois titres délivrés en section acoustique (la version à l’épure de Mr. Tambourine Man fût carrément bouleversante), la folkeuse américaine s’entoure d’une mouture plus étoffée mais sans perdre la maitrise et la magie pour un instant précieux. Une véritable appropriation pour ne pas dire incarnation qui ferait presque oublier les origines de Like A Rolling Stone.
LA REVELATION : Internet Girl est une sensation qui nous débarque d’Afrique du Sud. Le trio investit la scène du forum et nous balance son punk-electro détonnant. Le chanteur Ntsika s’approprie l’espace avec son flow ultra rythmé avec un max de réverb’… Derrière, ses deux acolytes jouent la réplique en mode guitare électrique saturée + beats et samples au diapason histoire de dynamiter la fusion des genres (impression par moment de retrouver la dynamique d’Asian Dub Foundation avec un certain brio emprunté à Tricky…) C’est globalement ultra brouillon mais paradoxalement terriblement efficace.

LE PRIX DU PUBLIC : Philippe Katerine notre attachant trublion national aura fait l’unanimité grâce à son show burlesque toujours bien senti musicalement parlant. J’avais eu la chance de voir l’intéressé sur la même scène en 2006 alors que le doux-dingue était accompagné par les fameux Little Rabbits. Cette fois encore, les chansons exécutées et les drôleries intermédiaires sont autant d’antidépresseurs contre la grisaille. La panoplie de l’artiste anti-marasme affiche tout un vestiaire chatoyant. Summum de l’instant avec un délire sans limite lorsqu’une partie du public déguisée en bananes monte sur l’estrade pour entonner le titre idoine.

LE PRIX DU JURY : C’est toujours délicat pour ne pas dire impossible de tirer de trois jours de festivités, de ce télescopage des ambiances, un moment précis qui aurait surpassé le reste. LE concert subjectivement LE plus marquant. Je me suis précipité une fois encore au forum (décidemment « the place to be » pour les noctambules non rassasiés) afin de découvrir en chair et en os le phénomène TVOD. Ceux qui suivent un peu mes habituelles chroniques auront éventuellement lu mon engouement vis-à-vis de Party Time (brève de platine ici-même pour les curieux). Inutile de tourner autour du pot, en live c’est 10 fois plus fort ! L’énergie de dingue dégagée par l’ultra expressif Tyler Wright est bigrement communicative. Les autres membres de la troupe sont au diapason, le tout au profit d’une démonstration qui ne demande qu’à remplir encore et encore des salles. Leur punk torride où se glisse un grain de surf-rock psyché est un vrai délice pour les oreilles, les yeux, les jambes, le bassin… et l’esprit. Les observateurs avertis auront entendu comme moi une filiation assez nette avec les Pixies… On va dire avec bien plus de speed et évidement moins d’expérience mais justement, sur ce dernier point, je peux m’avancer un peu en souhaitant à ce séduisant combo de Brooklyn une carrière aussi prestigieuse. Qui sait ?


Bravo aux organisateurs du festival et merci aux sympathiques bénévoles, à Marion PACE de l’agence Ephelide (pas uniquement pour le selfie), aux talentueux photographes crédités (nous vous laissons le soin de visiter leurs pages) ainsi qu’aux nombreux amis mélomanes croisés sur place. Une certaine vision de l’échange et finalement de bonheur partagé.
Un immense merci aux merveilleux photographes :
Gwendal Le Flem Photographie : https://www.ladnewg.net/
Titouan Massé Photography : https://www.titouanmassephoto.com/