[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#6188b0″]T[/mks_dropcap]iens, aujourd’hui, pour ce live-report, je vais vous la faire sérieuse, histoire de changer un peu. Donc pas de dialogues SM avec ma cheffe, pas de descriptions glauques des conditions de travail dans les bureaux d’Addict et aucune délation sur les rapports étranges qu’entretiennent parfois les chroniqueurs. Rien.

Je commencerai donc ce compte-rendu sobrement : vendredi 19 avril dernier, sous une chaleur étouffante, à Laval, le 6par4 accueillait pour la seconde fois Bertrand Belin. Un 6par4 complet (24 spectateurs si on fait bien les comptes) quelque peu disert qui, en attendant l’arrivée du Quiberonnais, ne fit guère cas de Julien Bensé, malheureuse première partie de Belin.
Dommage pourtant car le Niçois avait des arguments à revendre et s’en est parfaitement tiré dans l’exercice très délicat du set solo. Une guitare-CD, un synthé, une bonne dose d’humour, un grand talent pour faire vivre ses chansons, des textes assez remarquables et une patience frisant l’admirable, il n’en fallait pas moins pour captiver le petit tiers de la salle attentif à ses turpitudes existentialistes.
Très bon guitariste, proche parfois de l’épure d’un Gareth Dickson (sans toutefois l’aspect contemplatif de l’Écossais), chanteur à la tessiture surprenante, doté d’un sens de l’absurde salutaire (une île, ou le tropicalisme revu par un Delpech sous acides), Julien Bensé était venu présenter son nouvel album, L’odyssée, sorti en 2018, en version nu intégral.
Et, il faut bien l’avouer, le problème lié à cette option un peu radicale est qu’il appelle au silence afin d’en apprécier toutes les subtilités. Et là … hélas… Enfin, toujours est-il que pour ceux présents dans les premiers rangs, passé un morceau d’introduction déconcertant, le set en lui-même fut un véritable plaisir (celui notamment d’entrer dans l’univers d’un doux-dingue maniant avec brio gravité et légèreté, absurde et effroi) et une très belle découverte.


[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#6188b0″]U[/mks_dropcap]ne petite dizaine de minutes plus tard, arrive la bande à Belin pour plus d’une heure et demie de concert. Bon, le quintet, constitué des fidèles de toujours (Tatiana Mladenovitch aux fûts/chant et Thibaut Frisoni aux claviers pour le noyau dur ainsi qu’un guitariste et un bassiste) est là pour défendre Persona et le jouera en quasi exclusivité. Belin évincera trois morceaux (Vertical Dindon, Sous Les Lilas et Nuits Bleues) pour en jouer cinq présents ailleurs (le morceau avec les Limiñanas, deux d’Hypernuit, un de Cap Waller et un autre de Parcs).
J’aurais presque tendance à dire que le groupe aurait pu jouer de la polka mexicaine ou reprendre du Burzum façon musette, ça n’aurait rien changé à la qualité du concert. Tous ceux qui ont pu voir Belin lors de ses précédentes tournées le savent : le showman, c’est lui. Les musiciens sont certes là pour l’épauler, mais le spectacle repose entièrement sur sa prestation.
À la fois élégant, charmeur (son côté dandy quoi), hautain pince sans rire (il faut le voir toiser le public à son arrivée sur scène), généreux, charismatique, cabotin, Belin est à lui seul un performer époustouflant. En plus d’être un excellent guitariste (outre ses soli réguliers où on sent qu’il peut enfin se libérer de la domination des claviers sur Persona en laissant libre court à son imagination, sa prestation solo sur la première partie d’Hypernuit force l’admiration – au point que, pour ma part, je regardais si le second guitariste ne faisait pas quelques notes en douce pour l’épauler- ), le sieur est un manieur de mots hors pair.


[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#6188b0″]S[/mks_dropcap]on aparté absurde en plein milieu d’Hypernuit, digne d’un dialogue d’Au Poste de Dupieux, en a scotché plus d’un. Idem pour l’introduction de L’opéra et son monologue so 70’s (à base de phasmes et de chambre d’adolescent) ou encore sa description minutieuse et absurde des chaussures portés par les spectateurs en plein milieu de Grand Duc confinait au surréalisme. Bon, ce ne sont que trois exemples, mais le spectacle en est truffé d’autres, aussi savoureux.
Une dernière chose à propos de Belin : même si on est loin de Brel, qui vivait littéralement ses chansons, Belin c’est l’expression scénique dans sa définition première, avec la mise en scène de son corps (notamment sur Camarade), de son visage surtout, théâtral, hyper expressif. Et même si on n’accroche pas spécialement à la musique, on adhère direct à son jeu de scène.
Bref, en y réfléchissant bien, avec Belin, on n’est pas loin de l’artiste complet.


[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#6188b0″]E[/mks_dropcap]nfin, pour terminer ce compte-rendu de façon impartiale, si je devais ajouter une petite remarque négative, je dirais que Persona, dans l’ensemble, se prête beaucoup moins à l’exercice du live que Cap Waller : tout l’aspect électro jouant sur les différentes émotions se retrouve gommé au profit d’une certaine efficacité. Et, de ce fait, le résultat s’avère parfois décevant sur quelques morceaux (je pense à Choses Nouvelles par exemple).
Néanmoins, la faute n’en revient pas aux musiciens, tous très bons, parvenant à ouvrir les morceaux à certaines improvisations et les dirigeant parfois vers d’hypnotiques virages noise, d’autres plus psychés pour terminer en apothéose sur un De Corps et d’Esprit impressionnant de sauvagerie, à la fois chaotique et rêche au possible.
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#6188b0″]E[/mks_dropcap]n somme, si à l’avenir Bertrand Belin passe pas loin de chez vous, n’hésitez pas, précipitez-vous sur la billetterie la plus proche et réservez une place. Même si vous n’appréciez pas sa musique, son charisme vous scotchera à coup sûr et vous fera peut-être même revoir votre jugement.
