Edouard Edb et Vicent De Noche Miento vont parfois à des concerts ensemble. Ils nous livreront donc régulièrement leurs regards croisés sur leurs expériences du live (et ça peut saigner). Cette fois-ci, ce sera Blonde Redhead au Trianon, le 22 septembre 2014.
E : J’ai vu tant de fois Blonde Redhead en concert que j’ai l’impression de retrouver de ces vieux amis avec qui, vous en avez aussi c’est certain, je n’ai que des contacts sporadiques mais toujours aussi immédiatement intenses et plaisants. Il ne faisait aucun doute que ce rendez-vous là n’allait pas déroger à la règle pourtant, comme souvent les vrais amis savent le faire, il ne fut pas sans surprise.
V : De mon côté, je suis presque venu à reculons. J’ai presque tous les albums, mais une seule chanson me plait vraiment (et je priais pour qu’elle figure dans la set list). C’est clair que c’était quitte ou double. ça aurait pu jeter un froid entre nous…
E : Les concerts de Blonde Redhead sont en général courts (1h15/1h30 maxi), le groupe est toujours plutôt en retrait, les lumières assez faibles et dirigées vers le public. Kazu, Amedeo et Simon ne sont alors que des silhouettes sur scène. Si on veut voir leurs têtes il faut se reporter aux photos des magazines. Mais ce qui est important chez Blonde Redhead ce n’est ni leur image ni même leurs personnes c’est assurément leur musique. C’est ce qu’ils souhaitent partager en concert, ça et uniquement ça.
V : D’un autre côté, y’a qu’une fille dans le groupe. Donc elle, on risque pas de la rater. Et les deux autres sont des jumeaux, donc quoi qu’il arrive, j’aurais été incapable de les distinguer. Alors dans la fumée, et à contre-jour, hein.
E : Kazu répète, à chaque concert que le groupe aime Paris, que pour eux jouer à Paris est toujours un moment spécial dans leur tournée. J’ai fini par la croire. Parmi les 3 musiciens c’est encore Kazu la plus expressive, et dire qu’ils sont l’incarnation même de la discrétion et de la réserve extrême est un euphémisme. Alors repérer la joie qu’ils ont à être à Paris revient à décoder des hiéroglyphes sans pierre de Rosette.
V : Je devais être d’un autre côté de la salle, parce que j’ai quand même cru voir un chanteur (multi-instrumentiste) habité, remuant au son de ses samples et feulant dans son micro et une chanteuse (multi-instrumentiste aussi) sobre et concentrée… puis déchaînée sur la fin. Mais surtout un groupe soudé, faisant preuve d’une certaine complicité. Ce qui est plutôt agréable à voir, loin de certains groupes où chacun est dans son coin à regarder ses orteils ou le programme TV pendant que les autres jouent (qui a dit « Wild Beasts » ?) .
E : Ok ils sont habités et extrêmement complices entre eux, mais on ne peut pas dire que la joie d’être à Paris se transcrive concrètement dans leurs échanges avec le public.
V : En fait, les plus expressifs étaient dans le public, l’un d’eux était à côté de moi. Mais il n’était pas seul : Ils étaient plusieurs. Ils étaient au moins… pfioooo… euh… deux ? Ils étaient là, à dodeliner de la tête dès les premières mesures de chaque chanson, quand ils ne se trémoussaient pas comme des dératés. Pendant ce temps, je me demandais un peu ce que je faisais là. Je ne reconnaissais aucun morceau, et je trouvais ça un peu mou. Puis petit à petit, la sauce a commencé à monter. Avec Mind To Be Had, le groupe m’a mis une claque. Cette version, en décalage complet avec la version de l’album, d’une puissance incommensurable, m’a conquis, j’étais transporté.
E : « Un peu mou » voilà que les attaques commencent ! Falling Man un peu molle ??? Le sommet du sommet du zénith Blonde Redheadien !!! Mou ??? Enchaînée avec LE morceau le plus jouissif et extatique des débuts du groupe, Hated Because Of Great Qualities ??? Mou !!!??? Et dire que j’ai signé pour lire des choses pareilles. En 2 titres après une intro Barragánienne les 2 chanteurs ont réussi à exposer l’immensité de leur talent. Leurs interprétations successives, (Amedeo pour Falling Man et Kazu pour Hated…) entre tensions et abandons, orgasmes multiples et mélancolie ont rassemblé en à peine 8 minutes tout le génie du groupe. Après un tel séisme un titre aussi planant et apaisant que Love Or Prison était bien nécessaire, avec en prolongement Mind To Be Had une des 10 plus belles réussites du dernier album, j’étais au bord de la défaillance multiviscérale. Mais c’était sans compter sur l’impitoyabilité des New-Yorkais qui, ne nous laissant aucun répit, alignant un No More Honey de très très haute volée puis un Spring and By Summer Fall qui, comme à chaque fois, me laisse sur le cul je n’ai pas peur des mots.
(Spring And By Summer Fall ici enregistré à Rouen le lendemain du concert au Trianon)
E : Petit trébuchement dans cette liste parfaite, Kazu a eu bien du mal, à mon goût, à rendre à Melody toute sa grâce. Vu les gestes désespérés qu’elle semblait faire aux techniciens je pense qu’elle était en difficulté. En tout cas le rythme n’y était pas et elle me paraissait lutter avec la mélodie justement. Ce sont des choses qui arrivent.
V : Bien incapable de vous en dire plus, si ce n’est que chacun sa sensibilité et que le début ne m’a pas enthousiasmé. Point. J’ajouterai que j’ai dû attendre la toute fin du rappel pour entendre ma chanson favorite et adorée, le superbe 23, parfaitement réalisé et qui m’a porté au bord de l’extase. Chose rare parait-il, le groupe s’est même fendu d’un deuxième rappel, où j’ai pu découvrir le superbe Equus, précédé des excuses de la chanteuse (excuses-Equus… Hahahahaha. Mon Dieu je vais me pisser dessus de rire). Elle nous a expliqué qu’ils ne la maîtrisaient pas. Et pourtant, quel super moment, elle s’est carrément défoulé !
E : Point ça ferme la discussion mais on ne me la ferme pas comme ça. Et du coup je me rends compte que voir Blonde Redhead sans connaître les chansons, ça me paraît risqué. Et bravo d’avoir pris ce risque, Vicent. Le risque étant de se sentir exclu du monde dans lequel leur musique plonge les auditeurs. En effet je pense que le public était enthousiaste mais à part pendant les applaudissements ça n’était pas évident à voir. Comme pour les membres masculins du groupe et dans une moindre mesure pour Kazu qui se déhanche parfois à l’extrême mais globalement reste plutôt très calme, je pense que l’énergie et la joie transportées par leur musique restent toujours très contenues, finalement très intériorisées.
V : Au final, connaissant le passé bruitiste du groupe, et son revirement plus doux dans les derniers albums, j’ai été carrément épaté de la tournure globale du concert, par la puissance du son et l’intensité de l’interprétation, parfois complètement sauvage. J’ai été surpris par la cohérence du set. Quelle que soit la période de composition des chansons, le groupe les a transformées, rendant les versions album… eh bien… fades par rapport à ce qu’on reçoit en concert ! Ca a été une très belle découverte ! Voilà un groupe à voir en concert, absolument ! Et oui, je m’exclame beaucoup, sur ce coup-là !
E : En effet c’est en concert qu’on se rend le mieux compte de la cohérence de la musique dans ce groupe. Même s’ils s’attachent à faire évoluer leurs compositions sans cesse, quitte à perdre quelques fans, il y a néanmoins une certaine unité entre tous leurs albums. Sans que je puisse réellement qualifier cette unité. Même si leurs compositions actuelles sont beaucoup plus calmes, dans le sens moins bruitistes, je les sens très en lien avec les plus anciennes. Je pense que c’est aussi ce qui rend ce groupe extrêmement attachant et attaché à ses fans, avec le risque de ne pas pouvoir inclure de nouveaux adeptes. Le grand écart du deuxième rappel entre énergie et contemplation le démontre assez bien (grand écart présenté ici en vidéos)
V : (merci Edouard de m’y avoir traîné).
E : (ce fut un plaisir).
Setlist
Barragán (Barragán)
Lady M (Barragán)
Falling Man (Misery Is A Butterfly)
Hated Because Of Great Qualities (Melody Of Certain Damaged Lemons)
Love Or Prison (Penny Sparkle)
Mind To Be Had (Barragán)
No More Honey (Barragán)
Spring And By Summer Fall (23)
Melody (Misery Is A Butterfly)
Dripping (Barragán)
Melody Of Certain Three (Melody Of Certain Damaged Lemons)
Premier rappel
The One I Love (Barragán)
Defeatist Anthem (Harry & I) (Barragán)
23 (23)
Second rappel
Equus (Misery Is A Butterfly)
Seven Two (Barragán)
Elle est un peu molle cette chronique, non ?
Vicent – vraiment Vicent ? Si c’est Vincent en vrai, pourquoi cette coquetterie ? – qui paraît ne pas comprendre grand chose de ce groupe, semble, à la fin, le plus enthousiaste.
A moins que je ne comprenne pas grand chose de cet échange. 😉
Bonsoir Leme,
(Mme et M. Tierdevivre on un fils.., une fille ?)
Sachez qu’ici tout est faux, sauf mon prénom, qui tient des racines de la Safor, sous-terre catalane (valencienne, en fait). No hay orquesta.
L’essentiel de votre commentaire tient à la compréhension, alors que nous nous sommes positionnés sur le ressenti.
Mon camarade à exprimé ses émotions, et j’ai décrit ses déhanchements reflétant son enthousiasme selon moi.
Dès sa première phrase, il a résumé cette nouvelle rencontre : plaisir, intensité et surprise.
Pour ma part, en bon diesel au démarrage, je n’ai été que progressivement conquis… Et sans chercher à comprendre quoi que ce soir…
Merci d’avoir lu notre chronique malgré sa mollesse. Je vous salue donc, Leme, en espérant que la prochaine moins vous moleste…
Quoi que ce soir…
Mon clavier téléphonique me rend bien poétique…