[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#ff0000″]V[/mks_dropcap]oilà une série qui n’aura duré que l’été 2016, un rayon de soleil sans aucun danger et sans crème pour faire passer.
CBS a misé sur le couple Michelle et Robert King, scénaristes de «The Good Wife», pour développer BrainDead, série satirique au goût sucré et impertinent qui se déroule au sein même du parlement américain.
Pitchons un peu :
Une météorite s’écrase en Russie et est mystérieusement rapatriée à Washington DC. Une fois sur place, de petits insectes ressemblant à des fourmis s’en échappent discrètement, et commencent à s’instiller dans les oreilles des premières victimes humaines.
Laurel Healy (Mary Elizabeth Winstead), sœur d’un jeune sénateur démocrate, est témoin de certains changements radicaux de personnalité chez des collègues, et s’inquiète de ce qui peut bien arriver aux acteurs du Congrès des États-Unis.
Le plus puissant parlement de la Terre serait-il infiltré ? Mais par qui ? Ou plutôt…par quoi ?
Hé bien ce pitch est bien trop sérieux pour expliquer le parti-pris de cette série, toujours léger et corrosif. Le point de départ du scénario est tellement anachronique, rappelant les séries B des années 40 et 50, où la science-fiction lorgnait si souvent du côté des envahisseurs et autres anomalies de la nature menaçant l’équilibre de la planète, et où les métaphores traitant de l’ennemi «rouge» étaient déclinées à toutes les sauces (et flying saucers).
[mks_pullquote align= »left » width= »300″ size= »24″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#dd3333″]Ici, l’ennemi est «WITHIN», à l’intérieur. La prise de contrôle d’un être humain par un insecte ravageant la moitié du cerveau de son hôte, est totale.[/mks_pullquote]
Alors à quoi reconnaît-on un infecté ?
On ne boit plus d’alcool, on sanctuarise son corps, on cherche à monter les uns contre les autres, et créer ainsi suffisamment de chaos pour pousser à la destruction inexorable de l’humanité, et réussir à prendre le contrôle du monde.
Et on ne peut s’empêcher d’écouter en boucle un tube des années 80 (autant dire du siècle dernier) : «You Might Think» de The Cars. (YIKES !!)
Tous ces êtres bodysnatcherisés sont évidemment en parfaite connexion les uns avec les autres, système de pensée unique en bandoulière, cette force indivisible et omnisciente avance vers son but : s’imposer depuis le sommet de la chaîne alimentaire.
[mks_pullquote align= »right » width= »250″ size= »22″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#1e73be »]Où quand ta meilleure amie te dit d’une voix bizarre « Nous savons ce que vous essayez de faire. Ça ne fonctionnera pas. »[/mks_pullquote]
Mais tous les hôtes ne se valent pas, et d’incompréhensibles explosions spontanées de têtes vont faire douter certains scientifiques, dont deux qui partageront la quête de la vérité de Laurel. Des théories farfelues commencent à se mettre en place, des systèmes de protection et de défense également, créant au passage la scène de sexe la plus bizarre de l’histoire du salami.
Ici, pas d’effets spéciaux clinquants, plutôt une réalisation forcément inspirée par les règles du thriller, pour transcender la petite histoire en une parodie plutôt maligne de la réalité politique dont nous sommes témoins : ils ont tous perdu la tête !
Le chef de file du parti Républicain est campé par Tony Shalhoub, qui s’éclate à jouer les psychopathes influenceurs, loup parmi les loups, tête pensante d’une colonie en pleine organisation. Son assistant personnel, Gareth Ritter, est incarné par Aaron Tveit…! Oui, monsieur comédies musicales, petit minois mignon, est ici engoncé dans un costume de tweed républicain, un brin austère et rigide. Mais très attiré par son opposée Laurel, humaniste un peu perdue dans ses fonctions d’assistante de son sénateur de frère. Cette grande brune élégante au passé sulfureux va lui faire vivre des moments bien compliqués…
Le casting est une belle réussite, Danny Pino tente de faire oublier ses éternels rôles de flic en incarnant Luke Healy, démocrate très, mais TRÈS volage ; Nikki M. James en docteur Rochelle Daudier, première scientifique convaincue et embringuée dans l’enquête secrète du très, mais TRÈS paranoïaque Gustav Triplett (Johnny Ray Gill), qui va souvent se révéler plein de ressources inattendues et efficaces ; Tony Shalhoub alias Red Wheatus nous a réservé des moments sérieusement déjantés, particulièrement au contact de son opposante, elle aussi infectée, Ella Pollack (Jan Maxwell), plus clairement sa moitié secrète prête à tout pour semer la zizanie générale. Quitte à se servir de bébés phoques.
Une galerie de personnages qui fait fonctionner ce chaotique scénario catastrophico-politico-fantastico-romantico-absurde, et de la manière la plus légère qui soit. Parce qu’évidemment, on y révèle un peu ses penchants, on y règle un peu ses comptes avec les travers hypocrites de la société politicienne dirigeante, on y grince un peu des dents, mais sans réellement passer à la morsure. Ceci malgré la présence fugace et surprenante, le temps d’un épisode, de Michael Moore.
Formellement, la petite trouvaille de réalisation de BrainDead est son très original «recap». D’ordinaire totalement abandonnée à la loi du «résumé de l’épisode précédent», cette «ré-introduction» est entièrement mise en chanson par Jonathan Coulton.
Ceci ajouté au moqueur titrage exceptionnellement long de chaque épisode (par exemple l’ép.4 : «Wake up Grassroots : The Nine Virtues of Participatory Democracy, and How We Can Keep America Great by Encouraging an Informed Electorate» ou encore «Peuple réveille-toi : les neuf vertus de la démocratie participative, ou comment conserver la grandeur de l’Amérique en encourageant un électorat informé» TOUT UN PROGRAMME, NON ?), et aux innombrables clins d’œil à la campagne présidentielle qui battait son plein lors du tournage.
En résulte une bonne dose de ricanements, de gloussements et de rigolades franches.
Ces treize épisodes de 42 minutes ont rythmé cet été 2016, futiles et attachants, en une bluette pleine de paradoxes, piquée d’instants gore et de chanson pop.
Pas vraiment compliquée et pas réellement simple, un peu comme nous, humbles mortels au cerveau puissant, mais peu ou mal utilisé, conscients de notre sort et capables de nous en contenter.
Ou pas.