Pour cette dernière brève de platine avant la trêve hivernale, rien de tel que de découvrir encore de nouvelles petites merveilles qu’il pourrait même être de bon aloi de glisser sous le sapin en dernière minute.
Il y en aura pour tout le monde et presque pour tous les goûts, puisqu’on vous propose en vrac et dans le désordre du post-punk méridional, de la musique excellente bien qu’ improbable au nom improbable, du spleen d’inspiration islandaise, un florilège de ce qui se fait de mieux en pop dans un seul disque, ou de l’électro inspirée au service de la danse. Il ne manquait plus qu’un groupe de zouk-metal, de musette-gaze ou de la polka-funk et on aurait tout… hein, quoi ? on me dit que je dois rendre l’antenne, apparemment on me dicterait absolument n’importe quoi dans l’oreillette.
Alors enjoy et JOYEUSES FÊTES !
Arnaud Rebotini – Fix Me
chez Black Strobe Records depuis le 17 mai 2019
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[dropcap]I[/dropcap]maginez une salle obscure, quatre danseurs ondulant au gré des pulsations électroniques balancées par un colosse derrière une tour de contrôle. Nous connaissons bien Arnaud Rebotini dont la réputation s’étale autant dans nos colonnes que celles de nos éminents confrères.
Cette année, nous le retrouvons impliqué au service d’une œuvre collaborative mêlant les compositions de Fix Me aux performances chorégraphiques d’Alban Richard.
La bande son de ce projet a été mise à disposition du public à l’occasion du Disquaire Day, dévoilant des tableaux variant de la transe minimaliste à des effusions tantôt robustes tantôt progressives, souvent électrisées par quelques textures acidulées et pour un déroulé totalement obsédant, tel une odyssée hors du temps et de l’espace…
Planqué derrière ses machines, le compositeur triture la matière et nous entraîne dans un tourbillon de mouvements. On notera les oscillations affolantes (à l’infini) de The Great Preacher mais aussi les beats étourdissants et massifs de Substance Doctrinale, tapements éperdument contagieux pour l’ultra séquencé The Struggle Is Over, sans oublier l’une des plages les plus remarquables entendues ce millésime: I Can’t Feel At Home et son épanchement déployé d’un chant grave, bien accompagné par une progression bourdonnante… quasi mystique.
Forcément, le comparatif avec le duo formé jadis par Maurice Béjart et Pierre Henry pourrait paraître un poil audacieux de ma part mais, en cette fin de décennie pleine d’effervescence, j’avoue que l’idée de cette transposition filiale ne me semble pas si incongrue face à tant de justesse artistique. Bref, s’il y a bien un disque qui devrait combler les cases de votre discothèque, celui-ci serait à placer en haut de la liste des quelques recommandations de votre humble serviteur.
Ivlo Dark
Super Parquet – S/T
chez Pagans depuis le 15 novembre 2019
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[dropcap]S[/dropcap]i j’avais parié qu’un beau jour j’allais chroniquer un disque dont les titres portent les noms de Bourrée Courte ou 4 Chaussures, j’aurais sans nul doute perdu un paquet de pognon car, aux premiers abords, ni la pochette ni le descriptif de l’univers de Super Parquet ne m’appelaient à une quelconque réaction (positive). C’était sans compter une fusion des genres totalement anodin et, soyons honnête, truffée d’une audace visant en plein dans le mille !
Je vous fais le topo: la base est flanquée d’un registre instrumental traditionnel (banjo, cornemuse …) et se fait dynamiter par un ensemble bien plus lourd, des battements qui se propagent à grande échelle sans que l’auditoire ne perde le fil dans cette communion des styles. La symbiose est remarquable, appuyée en cela par l’ingéniosité d’une « boite à bourdon », soit une vielle à roue reliée à des machines, pour un rendu s’intégrant admirablement aux drones et autres projectiles sonores destinés à contenter autant les danseurs chevronnés aux rites d’antan que les plus féroces clubbers.
La seconde partie de l’album s’engouffre un peu plus dans l’exercice de l’agitation hypnotique, un cheminement laissant entrevoir un avenir plus rude, plus saturé, mais effroyablement envoûtant ! Le tout donne le frisson tout en laissant des crampes aux mollets. Surprenant sans être ronflant, cet objet musical non identifiable a déjà été entraperçu notamment et notablement du côté de Carhaix (les amateurs de festivals doivent connaitre la destination). Nul doute que s’il survole vos contrées, il ne laissera pas indifférent les convives de cet étrange assemblage.
Il y a quelques mois, j’évoquais ici-même la sensation Jambinai et son ivresse post-rock teintée de folklore coréen. Dans une certaine mesure et sous d’autres latitudes, nous n’en sommes pas si éloigné.
Ivlo Dark
Dreäl – The Wall in Between EP
sur Bandcamp en autoproduction depuis le 5 octobre 2019
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[dropcap]C[/dropcap]e disque, c’est d’abord un carnet de voyage, fruit d’un exil volontaire en Islande. Et si le climat frigorifique et l’isolement du pays est un facteur déterminant dans la coloration musicale de cet opus, ce sont bel et bien d’autres expériences lorgnant vers la mélancolie qui ont fini de déterminer les textures et les progressions de ce petit voyage, calfeutré entre des nappes de synthé et des rythmes faussement simples, cachant dans des compositions, qui doivent autant au post-rock qu’à l’ambient le plus sombre ou au néoclassique, des détails, des textures, des mélodies, des sentiments et une humanité qui semblent refuser de se laisser piétiner par le côté synthétique et artificiel de la musique électronique. Un bien beau voyage instrumental entre vent, nappes éthérées, souffles douloureux et rythmique organique, jamais très loin de la tachycardie ou de l’abattement, mais avec cette pointe d’espoir qui fait qu’on y retourne…
lloyd_cf
Kate Davis – Trophy
Chez Solitaire Recordings (et sur Bandcamp) depuis le 8 novembre
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[dropcap]A[/dropcap]près un parcours de jeune prodige fulgurant (violoniste à 5 ans, puis conservatoire, philharmonie, basse à 13 ans, et enfin grand ensemble de jazz), Kate Davis a eu envie de passer à quelque chose de plus personnel et plus cathartique et de faire l’impensable pour une musicienne jazz: écrire des chansons pop dans un style « rock indépendant » simple et populaire. Nul doute que dans son entourage, quelques sourcils ont dû se hausser. Elle parle elle-même que son but était d’écrire des chansons « avec les progressions d’accords interdites ». Découverte via des apparitions remarquées à la contrebasse chez Postmodern Jukebox puis embauchée par Sharon Van Etten comme clavier/bassiste avant d’écrire avec elle ce petit bijou qu’est Seventeen, elle continue à travailler dur pour écrire cet album qui synthétiserait tout ce qu’elle aime dans ce style. Et au vu du résultat, on ne peut qu’être admiratif. Sous le vernis d’une fausse simplicité, on a ici affaire à un album finement ciselé, qui aborde tous les aspects du genre susnommé, de la folk élégante (Burning Accidents) à la power-pop (Daisy, Trophy) avec au passage un petit plaisir non négligeable quand on découvre que la suite de Seventeen est carrément contenue dans cet album, mais on vous laisse la surprise… Un disque étonnant, totalement transparent à la première écoute ou si on n’y prête qu’une oreille distraite, mais finalement pas très loin de la perfection, qui, comme on le sait, comme le Diable, est dans les détails.
lloyd_cf
Mata Hari – Building Site
chez La Tête de l’Artiste depuis le 13 décembre 2019
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[dropcap]V[/dropcap]oici donc la plus célèbre des espionnes servant de blason à un énième groupe post-punk… En l’occurrence, provenant du Sud de notre florissant pays. Mata Hari balance une promesse à coup de semonces ultra référencées, aussi bouillonnant qu’une horde de fashionistas dans un centre commercial un jour de soldes.
Bref, ça remue dans tous les sens, ça trépigne et n’oublie surtout pas de cligner de l’œil vers la scène anglo-saxonne floquée sur la charnière fin 70’s – début 80’s. Le titre Factory qui ouvre l’EP Building Site n’est sans doute pas un hasard, les fantômes percutants sont conviés au délire de rythmiques affolantes, raccord à la finalité d’ensemble bien énervée. La chaire est brute, les uppercuts directs et concis, bifurquant par moment sur les sursauts plus calibrés de Franz Ferdinand ou s’engouffrant dans la grotte vocale des cultissimes The Sisters of Mercy (Concrete Masses). Quant au dernier et cinquième titre (Castle), il se fraye un chemin en direction des bizarreries technoïdes. Il n’y a pas de superflu, tout est pesé avec deux enclumes à bout de bras. C’est vif, remuant et, même installé confortablement dans un fauteuil moelleux, on transpire à grosses gouttes. Vivement la suite !
Ivlo Dark