[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]I[/mks_dropcap]l y a quelques années, bon nombre de lecteurs s’étaient pris une petite claque littéraire en découvrant le talent de Donald Ray Pollock dans Le Diable, tout le temps. Avec ce nouveau roman, l’auteur originaire de l’Ohio confirme sa capacité à incarner des personnages complexes et bruts.
Une mort qui en vaut la peine s’ouvre sur le portrait des Jewett, une famille de paysans ruinés, travaillant sans relâche pour gagner à peine de quoi se nourrir. A l’autre bout de l’Etat, un couple de fermiers ayant tout perdu après une arnaque constate la disparition de leur fils apparemment parti s’enrôler dans l’armée. Nous sommes en 1917, la guerre fait rage en Europe et les jeunes hommes rêvent de combat, mais bien peu seraient capables de situer l’Allemagne sur une carte. Baignés toute leur vie dans la pauvreté la plus crasse, les trois frères Jewett profitent de la mort de leur père pour tenter d’échapper à leur condition. Puisant leurs connaissances et leur inspiration dans un roman populaire qui relate les aventures d’un bandit redoutable et farouche, ils se reconvertissent en braqueurs de banques.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]F[/mks_dropcap]idèle à son habitude, Donald Ray Pollock plonge son lecteur dans un univers sombre, où la misère sociale et intellectuelle sont prégnantes. Avec justesse, il met en scène des personnages rongés par leur passé, leurs addictions, leurs vices, il met en lumière le grain de sable qui va enrayer la machine. Mais là où Le Diable, tout le temps était d’une noirceur assez opaque, ici l’auteur prend le parti de ponctuer son roman d’un humour absurde et désespéré. Il y a un petit côté western spaghetti à la Tarantino, des scènes que l’on verrait bien dans un film des frères Coen, à la fois grotesques et tragiques.
L’auteur joue avec nous, glisse des références à ses autres ouvrages, des noms de villes, des motifs récurrents afin de relier ses œuvres. Il aborde les thématiques qui lui sont chères : l’alcoolisme, les ravages de la guerre, la filiation, les pulsions violentes, mais aussi l’espoir, le sale espoir que les choses changent, que la rédemption arrive. Tous ses personnages sont habités d’une volonté de changement, de devenir meilleurs, et se confrontent aux limites de leur humanité. Une mort qui en vaut la peine est un très beau roman, très fort et parfois dérangeant. Il confirme que Donald Ray Pollock est une des grandes voix de la littérature américaine contemporaine.
Une mort qui en vaut la peine de Donald Ray Pollock Traduit de l’américain par Bruno Boudard. Editions Albin Michel, octobre 2016.
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