Alors, qualité numéro une à mettre en œuvre en venant au Festival America, c’est de savoir gérer sa frustration ! En effet, impossible d’assister à l’ensemble des rencontres, expositions, projections, soirées ni même espérer dans le week-end lire un livre de chacun des auteurs présents ( 80 auteurs invités !), sans compter l’excellent salon du livre ouvert depuis vendredi après-midi et où les tables des maisons d’édition ne contiennent que du bon (ce qui constitue également un risque non négligeable pour votre carte bleue !). Donc « That’s it » , le festival bat désormais son plein pour le bonheur d’une foule dense et passionnée .
Voici quelques uns des moments forts des rencontres de cette seconde journée : Une Première partie où on s’est intéressé aux destins individuels des êtres de papier qui peuplent nos livres. D’abord avec des héros et héroïnes autour de Maxim Leo, Dawnie Walton et Déborah Willis. Et avec les héros, terme polysémique qui désigne autant celle ou celui qui a réalisé une action d’éclat que le personnage central d’un roman, il fut d’abord question d’intentionnalité . Faut-il avoir voulu agir de façon grandiose ou héroïque pour l’être? Ce n’est pas ce que laisse entendre Maxim Leo dont le roman, Le héros de Berlin (Actes Sud), raconte l’utilisation à son bénéfice par un allemand de l’Est d’une action ayant permis l’évasion de plus d’une centaine de personnes ( il a fait dévié un train qui est parti à l’Ouest) alors qu’il avait juste commis une erreur technique fortuite. Et si on n’a pas la vie d’une héroïne au départ on peut à force de le vouloir le devenir comme le montre Dawnie Walton dans son livre Le Dernier Revival d’Opal et Nev (éditions Zulma), et avec une force telle que ses personnages deviennent presque plus vivants que s’ils avaient réellement existé.
Et il serait totalement faux de croire que seules les héros ont des vies dignes d’intérêt comme l’ont admirablement démontré trois auteurs qui se sont eux penchés sur les vies minuscules, comme les désignaient Pierre Michon. C’était le propos de Glen James Brown qui signe Ironopolis (Éditions du Typhon) et nous emmène dans l’Angleterre industrielle en crise du Nord Est, de Laird Hunt qui redonne dans Zorrie leur dignité aux petites gens des zones rurales de l’Indiana; Et enfin de Jakob Guanzon dont le premier roman Abondance publié à La Croisée retrace la vie dans la dèche d’un père et de son fils qui vivent dans leur pick-up. Oui, la littérature est ici politique et les auteurs présents au Festival America écrivent pour nous en convaincre!
Mais America c’est aussi des débats d’idées avec les auteurs comme celui qui réunissait pour conclure cette journée rien de moins qu’Andreï Kourkov, Erri de Luca et Colm Tóibín. Des questions difficiles leur étaient posées comme les terribles Faut-il encore croire en l’Europe ? Y a-t-il une littérature européenne ? ou Vous sentez vous des écrivains européens ? Un débat où Colm Tóibín rappelle combien l’Europe a su proposer des utopies extraordinaires comme le concept d’espace Schengen et où Erri de Luca redonne espoir en affirmant que la guerre en Ukraine est déjà perdue par les russes car l’Ukraine est européenne. Mais ces grands écrivains nous montrent aussi que le sérieux du sujet n’exclue pas aussi une bonne dose d’humour quand un De Luca revendique d’être surtout un écrivain napolitain, quand l’irlandais Tóibín exhorte les anglais et notamment ceux présents dans l’assistance à revenir en Europe ( on ne vous en veut pas !) ou quand Kourkov vante, il ne faudrait pas l’oublier, la gastronomie européenne ou les différences entre l’Europe en été et L’Europe en hiver !!
America continue ce Dimanche 29 à Vincennes. ne manquez pas la suite!