[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]V[/mks_dropcap]ous cherchez un livre original et jubilatoire, à savourer dans votre hamac durant les vacances d’été, et qui vous permette de larguer les amarres ? Courez donc vous procurer cette Histoire d’un vaurien, injustement méconnue en France, et qui nous est enfin proposée grâce au superbe travail des éditions Chandeigne.
Considéré comme l’un des chefs-d’œuvre de la littérature brésilienne, écrit et publié sous forme de feuilleton dans un journal de Rio de Janeiro en 1852-1853, ce texte inspira nombre de grands écrivains tels Machado de Assis, Lima Barreto ou Chico Buarque. Et on comprend pourquoi à la lecture de ces 300 pages remarquables de fantaisie.
Baroque et foisonnante, l’histoire se compose d’une série de chapitres et saynètes pleines d’humour, qui ont pour fil conducteur un jeune homme fort peu ordinaire nommé Leonardo. Nous sont ainsi contées les aventures et mésaventures de tout ordre de ce parfait et génial anti-héros, qui n’a vraiment rien de commun avec les héros romantiques de son époque, pour notre plus grand bonheur.
On dit Leonardo né « d’un écrasement de pied et d’un pincement », en référence à la manière dont se sont connus ses parents, au cours d’un voyage en mer du Portugal au Brésil. C’est un enfant difficile, qui semble anticiper les difficultés qui l’attendent en ce monde. Et elles sont nombreuses, il faut dire : abandonné par sa mère, Maria, qui s’enfuit avec un capitaine de navire, puis par son père, Leonardo-Pataca, un indolent huissier dont il porte le prénom, il est finalement recueilli par un barbier, un parrain qui le prend sous son aile. Lequel tente de l’envoyer à l’école et essaye bien de lui inculquer quelques principes, mais qui s’avère être aussi un drôle de roublard…
Si le petit Leonardo fait les quatre cents coups, l’adolescence et les années qui passent ne vont rien changer à l’affaire, bien au contraire. Au grand dam de son imbécile de géniteur, que l’on envoie chercher pour réparer les erreurs de sa progéniture, et qui n’est ni un modèle de vertu et de finesse lui-même, ni un bourreau de travail. Bref, cultivant un penchant certain pour l’inconvenance et l’effronterie, malin mais pas tant que ça non plus, Leonardo-fils a de qui tenir et choisit très tôt de vouer sa vie à l’oisiveté.
Il est le génial malandro si bien décrit dans toute la littérature populaire brésilienne, le voyou habile, le mauvais garçon, le malandrin adepte de la paresse et de la débrouillardise. Nous voilà donc suivant ses frasques, prouesses, incartades amoureuses et démêlés avec la justice, entraînés dans les aventures rocambolesques et fort amusantes du jeune effronté, qui a, certes, une propension évidente à s’attirer les ennuis, mais s’attire également sans mal l’entière sympathie du lecteur.
Manuel Antônio De Almeida nous livre ici la peinture joyeuse et authentique d’une époque et de la ville métissée et haute en couleur qu’était Rio de Janeiro, dans laquelle évolue une foule de personnages pittoresques et pleins de vigueur. Sur un ton familier et accrocheur, qui enchantera le lecteur, l’auteur nous fait le récit satirique des frasques de ce voyou attachant, qui semble toujours sur le point de se faire p(r)endre mais qui arrive à surmonter tous les drames et se pose en rebelle à l’ordre établi de par ses choix et mode de vie.
Drôle et dépaysante, cette chronique historique et picaresque, très enlevée, aux dialogues pleins de saveur, se dévore comme les romans d’aventure de notre jeunesse et fera passer un excellent moment aux curieux qui décideront d’embarquer.
Histoire d’un vaurien de Manuel Antônio De Almeida
Traduit du portugais par Paulo Ronai, éditions Chandeigne, 2017