[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#4285bf »]D[/mks_dropcap]epuis sa saga autour du personnage de Marie Madeleine Marguerite de Montalte, Jean-Philippe Toussaint n’avait pas écrit de pur roman, au sens où il n’était pas revenu à une écriture totalement fictionnelle. Dans Football, il avait parlé de son rapport à ce sport et dans Made in China, il avait imaginé une autofiction sur le rapport à son éditeur chinois. La clé USB est un retour à la fiction, à l’imaginaire narratif que l’écrivain belge a su déployer au fil de son œuvre. Et il n’y va pas de main morte ! Bien que Jean-Philippe Toussaint situe son roman dans des lieux qu’il connait bien, le lecteur est happé dans un univers particulier, peut-être même étranger pour lui, celui de la technologie blockchain.
[mks_pullquote align= »left » width= »300″ size= »16″ bg_color= »#0000ff » txt_color= »#ffffff »]La clé USB prend l’allure d’une aventure de Tintin au pays du numérique et des lobbies, mais est finalement une tragi-comédie réjouissante où l’on retrouve le sens du détail de Jean-Philippe Toussaint.[/mks_pullquote]La clé USB prend l’allure d’une aventure de Tintin au pays du numérique et des lobbies, mais est finalement une tragi-comédie réjouissante où l’on retrouve le sens du détail de Jean-Philippe Toussaint. On suit Jean Detrez qui travaille à la Commission européenne à Bruxelles. Il est spécialiste de la spéculation sur la blockchain et le bitcoins et intervient dans divers congrès autour du monde. Dans ce monde étrange qu’est l’institution européenne, les lobbies font tout pour atteindre leurs objectifs et parfois, au passage, corrompre des personnes intègres. C’est ainsi que Jean Detrez est approché par John Stravopoulos et Dragan Kucha, deux personnes qui travaillent pour l’étrange société XO BR Consulting.
Cette société de conseil est spécialisée dans le développement de la technologie du blockchain. Après moult hésitations et agacements, notre incorruptible héros les rencontre. Un jour, à la fin d’un entretien avec John Stravopoulos, personnage louche qu’on croirait sorti de la tête d’Hergé, celui-ci oublie une clé USB. Au lieu de lui rendre, Jean Detrez la garde pour y découvrir les raisons de ses soupçons. À l’occasion d’un colloque à Tokyo, il fait un détour à Dalian en Chine, dans une société de minage. Le roman s’emballe et devient un roman d’espionnage paranoïaque où toutes les précisions sur le monde obscur des nouvelles technologies n’empêchent pas le lecteur de suivre Jean Detrez dans sa détresse.
Durant la lecture, on est surpris que Jean-Philippe Toussaint revienne si radicalement à une fiction aussi complexe. C’est une apparence trompeuse de La clé USB, l’écrivain ne change pas son obsession narrative. Il fait d’une petite chose, comme une clé USB, un déclencheur fictionnel produisant des images littéraires prégnantes. La fin de ce livre montre toute la vacuité des détails sur la blockchain. L’écrivain est assez habile pour se faire passer un temps pour Hergé ou John Le Carré et finalement redevenir celui que l’on connait pour son art narratif. La toile de fond numérique et européenne rajoute une tension à ce qu’il nous raconte et n’est finalement qu’un jeu de dupes sur sa réelle ambition.
[divider style= »dashed » top= »20″ bottom= »20″]
[one_half]
La clé USB de Jean-Philippe Toussaint
Paru aux éditions de Minuit, le 5 septembre 2019
[/one_half][one_half_last]
[/one_half_last]
[divider style= »dashed » top= »20″ bottom= »20″]