[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#c75102″]L[/mks_dropcap]a lecture de L’Installation de la peur, il y trois ans, m’avait déjà ébranlé. Ces dialogues sans fin et surprenants, cet humour noir mais humaniste, étaient bien les caractéristiques de Rui Zink.
Tout cela, nous le retrouvons aujourd’hui à la lecture du Terroriste joyeux, ainsi que les éditions Agullo le mettent en exergue sur la quatrième de couverture :
« Mesdames et messieurs, circulez. Il n’y a rien à voir. Tout est sous contrôle. »
Ce sont les premiers mots de ce livre qu’on hésite à appeler roman, récit ? Dialogue théâtral ? Quoi qu’il en soit, il y a tout à lire ici ! Tout à voir ! Et rien n’est sous contrôle justement. Rui Zink se joue de nous avec ces premières phrases.
Sous la figure tutélaire de Kafka, Zink nous donne un terroriste, transportant une bombe qu’il n’a pas fait exploser. Il est arrêté et un policier l’interroge, sous le contrôle de ses supérieurs. Commence alors un dialogue de sourds, un jeu sur le langage passionnant, une guerre entre le policier et le terroriste. L’un cherchant à confondre l’autre et vice versa. Le jeu ne dure qu’une petite centaine de pages. Suffisantes pour que l’on entre avec eux dans ces échanges, parfois drôles malgré le sujet, absurdes (on pense aussi à Ionesco, beaucoup), philosophiques, jouant avec les mots et presque poétiques selon la nature que leur donne Rui Zink.
« Et vous en concluez que le terrorisme serait socialement accepté.
De là où je viens, il l’est.
Sérieusement ?
Du moment que c’est pour l’export.
Ah. Naturellement.
Mon cousin et ses associés ont même un joli panneau à l’entrée de leur boutique, avec un slogan amusant : « Visitez d’autres pays et explosez de joie. »
Incroyable. »
Alors terroriste ? Policier ? Juge ? La fonction fait-elle la vie ? Les échanges vifs feront que les deux hommes se rejoindront dans une sorte de paix finalement calme et sincère jusqu’au dernier basculement pour échapper à un système, celui d’un monde qui déraisonne.
Ainsi cette phrase du supposé terroriste :
« Faire du terrorisme est une chose, désobéir à la loi en est une autre, très différente. »
Ou encore ce dialogue où les rôles s’inversent presque :
« Taisez-vous. Vous êtes un prisonnier, vous avez déjà oublié ?
Quelle question idiote.
Pardon ?
Je suis attaché à cette chaise.
Et ?
Je ne peux même pas me gratter convenablement. Comment pourrais-je avoir oublié ? »
Une très grande lecture qui interroge nos manières de penser pour devenir un livre éminemment politique.