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« LE LIEN »

Les contours ne tiennent que pour consoler

Isabelle Bonat-Luciani
Par Isabelle Bonat-Luciani
Publié le 13 mars 2017
12 min de lecture
Crédits photos : John Olivier Azeau

[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]e trajet qui relie mon lieu de résidence à ma ville natale n’est pas très long, à peine une heure de train. Les paysages défilent impassibles, un peu en sursis, un peu telle que je le suis à chaque fois, à l’arrêt entre les nuages. Retourner chez soi, ce qu’on nomme encore et qui demeure ainsi, en geste d’adresse à l’éternité. Une traversée accomplie par le cœur et les pulsations qu’il échange avec la peau. Peu de place pour les songes et même à l’inverse, il est de ces voyages où l’œil cherche résolument par la fenêtre une correspondance avec la silhouette d’un arbre, l’espoir que l’un de nous deux révèle à l‘autre une parcelle d’origine, enracinée et impérissable.

Crédits photos : John Olivier Azeau
Crédits photos : John Olivier Azeau

Je me souviens du voyage vers Rennes et de ces oiseaux à la gare Montparnasse qui volaient à tue-tête comme si l’atlantique en personne venait chercher les passagers sur un quai de gare. Les yeux sont toujours plus grands lorsqu’ils s’élèvent vers l’inconnu.

Il y avait cette femme à la révérence bienséante qui s’est assise à côté de moi. Méticuleuse et ordonnée. Elle a soigneusement plié son manteau, passé la main sous sa jupe avant de s’assoir pour qu’elle ne se froisse pas, posé délicatement son sac à main sur ses genoux, le baise en ville entre ses pieds pour ne pas déranger, ouvert le sac plastique, étendu sa petite serviette en papier, défait l’aluminium de son sandwich, sorti sa gourde d’eau et en quelques gestes, métamorphosé la table si étroite des chemins de fer en aire de pique-nique avec du fait maison. J’avais l’air d’un panier percé avec mes machins chose achetés à la va vite et au prix fort à la boutique de la gare. C’est ce que je me suis dit ou ce que j’ai entendu malgré moi. Il y a des langues comme ça qu’on a oublié, profondément enfouies et qui subitement affleurent pour peu qu’une ombre se glisse là où un jour une voix s’est logée en sentence.

Pas de familier ici, loin de mes paysages confinés entre la tramontane et le mistral. Pas de vent, seul un brouillard épais sur des kilomètres en plein après-midi. Aucune trace de soleil. Du vert enrobé d’un blanc opaque. Comme trente ans auparavant. Même si la destination n’était pas tout à fait la même. Même si la vieille dame assise à mes côtés à l’époque semblait moins âgée que celle-ci. Sans doute est-ce moi qui ai le plus vieilli dans l’histoire. On ne se voit jamais vieillir tout à fait.

C’est sa main qui m’a attrapé. Elle n’était que sa main. Sa main et rien d’autre. Elle est venue toucher un coin de ma mémoire, une peau morte qui m’a tant et tant caressé. Elle est belle, belle de toutes ces femmes hors d’âge. Ses cheveux blancs sont sans équivoque et portent des générations de femmes disparues, oubliées comme on s’oublie dans des gestes répétés, mécaniques, des gestes d’usine de sa propre vie. Sur son poignet une vieille montre argentée, classique et sans fioritures. Sa chair l’attache, tout autour, grignote un peu les lacets de métal. Sa montre est trop petite ou sa peau déborde. Le temps a fini par faire corps avec sa chair. Au doigt, son alliance d’or l’étreint, la caresse ou l’étouffe, c’est selon. Elle est nette, lisse, aucune rayure malgré les cinquante années de mariage, peut-être même plus.

Il a treize ans de plus qu’elle, elle me dit, on ne vieillit pas pareil, vous comprenez. Elle jette un œil à son alliance sans tendresse, sans rien, avec ce « c’est comme ça » de fatalisme, parce que c’était lui parce que c’était elle, parce qu’alors c’est ainsi. Etre femme c’est être mère. Etre femme c’est être épouse. Etre soi c’est hors propos. On ne se comprenait pas avec ma grand-mère, ce qui n’a jamais été une gêne entre nous, ni en rien une entrave. Il est des êtres qu’on aime absolument. Nous habitions parfois les mêmes endroits dans deux mondes séparés. J’avais l’âge de croire aux impossibles, elle avait l’âge de tous ses âges, indéfiniment le même pour ne pas vouloir approcher les contours de certains mots et de leurs possibles.

Il a treize ans de plus que moi et maintenant qu’il est malade, j’en profite, voyez-vous.
Même si j’ai vieilli, mon visage ne porte pas encore la marque des enfants de vieux. Peut-être que ça vient d’un coup. Une fois que le vieux s’en va. Une fois qu’il ne reste plus rien de rien à l’enfance, sauf celle qu’on regarde pousser autour de nous et qui parfois nous toise comme si nous étions déjà hors d’usage.

Elle vient une fois par mois garder ses petits-enfants. Elle reste une semaine chez leur fille. Ça la soulage de toute cette vie à courir partout pour les gosses. Ça fait longtemps qu’elle voyage sans lui, et puis maintenant ça ne lui est plus possible de l’accompagner. Il est bien trop âgé. Pas aussi malade que sa sœur pourtant bien plus jeune. Elle part l’esprit tranquille à chaque fois. Elle prépare tout. Il sait se débrouiller. Il ira se chercher du pain à la boulangerie. Il trouvera ses petits plats cuisinés qu’elle a mis dans le congélateur. Deux par jour. Il n’aura plus qu’à réchauffer. Depuis combien de temps ils ne se réchauffent plus. Je ne lui poserai pas la question, elle ne la comprendrait pas.
On reste avec la même peau, toute sa vie.
Et si elle vient à s’abîmer, sans qu’on ne lui demande rien, toute seule elle se répare. La peau est un imparable.

Elle me parle de sa ville comme si je la connaissais. Tout ça parce que je suis dans le même train qu’elle, vers une même destination. Sauf que je m’arrête bien avant, sauf que je ne reviens pas, je vais.

Ça n’était pas seulement Alzheimer qui lui est tombé dessus à sa belle-sœur. Elle voyait des gens qui sortaient de la télé, une enfant lui prendre son lit. Ça n’était pas que l’oubli. Des caprices. On lui disait ça n’est pas possible ce que tu racontes. Et au plus on lui expliquait, au plus elle s’entêtait avec ces histoires. Elle me dit on l’a placée dans un asile. Mais ça n’a servi à rien. L’asile ne l’a guérie de rien. Pourtant elle est plus jeune que son frère. L’âge ça n’a rien à voir. D’ailleurs, elle est maintenant en maison de retraite. Plus rien à faire. Attendre. Elle ne nous reconnait plus. Pas même son propre frère. Si c’est pas malheureux avec la vie qu’elle a eu qu’elle soit devenue un légume, cette femme si intelligente, si vive, si tellement si.

 

Crédits photos : John Olivier Azeau
Crédits photos : John Olivier Azeau

 

« Gume je le nommais.

Légume d’abord.
Pour moi, dans ma tête.
Pour moi seule.
Puis pour lui, en le soulevant.
Changeant les draps.
Avec le poids.
L’odeur.
Légume.
Et puis Gume, simplement.
(…) son prénom on oubliait.
Son vrai prénom.
Celui d’avant ».

Je pense à cet auteur dans ce train, à ses mots qu’il a placé en moi, et qui reviennent comme en cas d’urgence. Je ne suis pas seule tout à fait. Les siens m’accompagnent. J’ai Gume avec moi que rien n’efface. Tant que je serai, tu seras.

Dans le train les vitres sont « feuilleté-DV ». J’espère qu’elles sont solides, qu’elles ne se brisent pas en petits morceaux. En cas d’accident je veux mourir entière entièrement, telle quelle. Qu’il puisse voir comment d’enfant je suis devenue femme, et peut-être même belle, combien je lui ressemble, même quand la mort m’aura prise. Et qu’il regrette de ne pas s’être souvenu maintenant qu’il oublie.

Pourvu qu’il ne meure jamais dans un train.
Pourvu qu’il ne meure jamais. Je n’en saurais rien.
Il ne sait plus ce que nous sommes l’un pour l’autre.

Le trajet n’est pas très long pour rejoindre le lieu de mon enfance. A peine une heure. Pas assez pour me préparer aux absences. Mais même au loin, mais même à l’opposé, il n’y aura jamais assez de distance pour préparer les pertes.

Un jour, la ville entière sera mon chez moi, quand il n’y aura plus aucune adresse. Pour habiter.

Crédits photos : John Olivier Azeau
Crédits photos : John Olivier Azeau

 

Photo prise par Michel Durigneux au Marché de la poésie à Paris

Merci à Isabelle Bonat-Luciani de nous avoir offert ce texte.
Vous pouvez suivre Isabelle Bonat-Luciani sur son blog au fil des jours.

Elle est l’auteure de Quand bien même publié aux éditions Les Carnets Du Dessert De Lune.

Elle a collaboré à plusieurs ouvrages :
Dehors, recueil sans abri aux éditions Janus
Marlène Tissot & compagnie, mgv2 publishing
Photographies, Robert Lebarbier

Et a contribué à de nombreuses revues :
Autour des Auteurs, Les Carnets d’Adèle, Microbe, Remue.net, Métèque, People are Strange, Terre à Ciel, Le Festival Permanent des Mots, La Piscine.

Un grand merci à John-Olivier Azeau de nous avoir offert ses clichés pour illustrer ce texte et créer un lien entre son regard et les mots d’Isabelle Bonat-Luciani.

La citation « Gume » est extraite de « Quelqu’un manque » d’Emmanuel Darley aux éditions Espaces 34.


Retrouvez la présentation du projet « Le Lien » et le premier texte de Thomas Giraud, Tomber à l'(e)autre.

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