Le Badaboum, ancienne Scène Bastille, est une petite salle, où les artistes peuvent être en contact avec un public restreint.
Au moment de la préparation de la scène, nous voyons un petit bout de femme habillée en noir tripoter des instruments et nous nous disons « c’est elle », elle a l’air d’être bien peu de chose.
Puis les lumières s’éteignent.
Une fois la scène allumée, nous voyons débarquer deux garçons, plutôt massifs, l’un s’installant à la batterie, l’autre saisissant une basse, suivis d’une femme habillée d’un tailleur blanc, côté du crâne rasé, coiffure « coque ». Ce n’est plus la même personne. La frêle jeune fille aperçue tout à l’heure a laissé la place à une femme sûre d’elle, qui après avoir gentiment salué le public, se dirige vers son batteur, en place.
Elle pointe alors ses bras vers lui et, c’est à ce moment précis que les roulements d’introduction de Pressure retentissent. Elle part alors immédiatement dans une danse effrénée, tribale et contagieuse, avant de s’emparer de son poste de commandement de nous faire chavirer avec son chant puissant et ses instrumentations luxuriantes.
Les chansons se suivront, entrecoupées de moments de complicité et de charme indéniables, nous incitant à danser, nous expliquant le sens de ses chansons. Nous aurons alors la confirmation de ce que nous dévoilait Édouard ĘdB dans sa chronique.
La dame déploie sa maîtrise vocale, mais aussi de toutes sortes de d’instruments, passant du simple piano à la guitare enragée. C’est simple, Kate Bush et PJ Harvey ont convolé et nous ont offert un diamant brut, pur, et touchant.
La dame nous livre son énergie, elle partage ce moment avec la salle, sa sensibilité nous envahit d’un bout, tout au long du concert, qui sera une véritable communion, où alterneront moments de recueillement, moments de danses effrénées et moments de drôlerie. Le maître mot est le partage.
La francophilie de la chanteuse nous sera dévoilée lorsqu’elle nous expliquera que la chanson Apparition, dont les paroles sont de Mallarmé, est la « Ghost story » du dernier album. Chaque album en comporte une, nous confiera-t-elle.
Puis, vient le moment de faire des reprises avant de nous quitter. Au premier rappel, Fever sera l’occasion de descendre dans le public pour se choisir un cavalier à qui faire un numéro de charme de haute volée, le chant tenu, puis un autre aura droit à ses faveurs. Ensuite, elle nous interprétera, dans une touchante fébrilité, mélange d’appréhension et de fierté, une version en français de This Is My Hand, achevée la veille. Les yeux rivés sur son antisèche, l’accent fragile anglophone, elle nous offrira ce moment de frissons. Pour conclure, nous aurons un Feeling Good qui exprimera clairement le sentiment que partagent toutes les personnes qui sont présentes ce soir là.
Après le concert, Shara Worden, redevenue cette femme frêle sur scène avant le concert, se présente au stand de merchandising pour signer cartes postales et disques. Disponible, à l’écoute, les yeux rivés dans ceux de son interlocuteur, elle écoute et remercie le fan qui lui déblatère pour la millième fois de la soirée son admiration. Et tout dans son attitude transpire la sincérité et l’humilité, comme lors de ce moment magique qu’elle nous a offert.
En repensant à ce concert, je ne peux m’empêcher de penser à un autre concert auquel j’ai pu assister :
Comme elle, qui a contribué aux albums de Sufjan Stevens et the National, il est un homme de l’ombre de groupes plus populaires (Arcade Fire, Caribou)
Comme elle, il maîtrise son instrument de manière magistrale et reconnue (sa voix pour elle, son violon pour lui).
Comme elle, il fait preuve d’une grande complicité avec son public, et n’hésite pas à se reprendre quand il se plante.
comme elle, il se produit en un trio qui développe une puissance sonore et émotionnelle phénoménale.
Comme elle, il rend hommage à ses idoles en faisant des reprises de haute volée (Pretty Good Year de Tori Amos, Odessa de Caribou).
Comme elle, il dégage un mélange de fragilité et de force, et il inspire la sympathie.
Comme elle, il se montre simple et humble, en allant aux toilettes du bar de la Maroquinerie, envahi de fans, en leur adressant un salut de la main.
Comme elle, Owen Pallett a écrit un album incontournable cette année, et gagne à être connu.
Chez un artiste, la sincérité paye toujours. Même si ces diamants restent enfouis pour la majorité du public, ils brillent de mille feux dans le coeur de certains chanceux dont je suis fier de faire partie.
(Merci à Édouard ĘdB pour ces découvertes)
Setlist
1. Pressure
2. I Am Not The Bad Guy
3. Before The Words
4. Be Brave
5. Lover Killer
6. High Low Middle
7. So Easy
8. A Bronze Head
9. Resonance
10. I Have Never Loved Someone
11. Apparition
12. Apples
13. Inside A Boy
Encore 1
14. Freak Out
15. Fever (cover)
16. Ceci Est Ma Main
Encore 2
17. Feeling Good (cover)
une pure merveille, la plus belle des pierres précieuses … la chronique lui rend hommage!
MERCIII !!!
Magnifique voix. Envie d’approfondir.