[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]N[/mks_dropcap]oël Balen est loin d’être un débutant en littérature : il est, entre autres, le co-auteur avec Jean-Pierre Alaux de la série de romans policiers Le Sang de la Vigne, dont l’intégralité a été adaptée pour la télévision avec Pierre Arditi dans le rôle du limier œnologue.
Musicien de jazz, il a été journaliste pour Jazz Hot, et est l’auteur de plusieurs ouvrages autour de musiciens et de chanteurs et chanteuses, de Miles Davis à Billie Holiday en passant par Neil Young, Charlie Mingus ou Charles Trénet. « Petit, je voulais être luthier.« , dit-il. « Je passais de longs moments à l’atelier de lutherie Vatelot, rue de Rome. Mais je n’ai pas pu faire l’école de lutherie de Mirecourt. Je suis donc devenu contrebassiste et journaliste, puis romancier.«
Cette fois, c’est une drôle d’histoire courte qu’il a choisi de nous confier avec Écran Noir.
Et malgré l’avertissement qui précède le texte et qui nous assure que « tous les personnages, lieux et faits de ce roman sont fictifs« , on n’est pas vraiment dupe : cet Écran Noir-là sent le vécu.
Notre héros nous raconte donc à la première personne une histoire qui commence lors d’un rendez-vous avec Bernard Chevrier et Patrick Gumblowisz dans un restaurant chinois minable de la zone industrielle de Créteil. La classe.
Le projet, pourtant, est plutôt alléchant. Les deux briscards veulent lui commander le scénario d’un long métrage, une sorte de biopic sur « la sublime et sauvage » Loretta McCullers, chanteuse de rhythm’n’blues à laquelle notre personnage a consacré un article élogieux il y a quelque temps de cela, et qui fait partie de l’écurie de Bernard Chevrier, manager artistique et organisateur de spectacles.
Gumblowicz, lui, est producteur de cinéma, surtout connu pour un film consacré à une amitié entre un surfeur et un dauphin blanc. Pourquoi pas… Les deux hommes ne tarissent pas d’éloges sur le scénariste qu’ils ont choisi. Il est l’homme de la situation, c’est certain.
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Celui-ci a suffisamment roulé sa bosse pour se rendre compte qu’il s’embarque dans une histoire pas très claire. La boîte de production de Gumblowicz est en faillite. Mais, comme le lui conseille son ami Amaury le réaliste, « take the money and run« . Il faut dire que c’est plutôt bien payé, cette affaire.
Notre héros, il le sait, sert de caution artistique au projet qui en a bien besoin, car les deux commanditaires ont beau avoir une certaine expérience et… une certaine prétention, côté talent, ça laisse franchement à désirer. Le projet va donc se dérouler, cahin caha, version après version, les trois hommes vont se retrouver dans des lieux saugrenus ou banals, lire (ou pas) les différentes moutures proposées par le scénariste, suggérer des aménagements saugrenus ou absurdes… Et pendant ce temps, malgré sa lucidité, notre héros va se laisser envoûter par Loretta, et surtout donner libre cours à son amour de la musique, pour notre plus grand plaisir.
La lecture d’Écran Noir, écrit au présent dans un style rapide, rythmé, riche en images, a pour effet immédiat de suggérer au lecteur une pièce de théâtre. Les personnages prennent vie immédiatement, les lieux et les ambiances sont décrits avec un sens visuel et un pouvoir d’évocation d’une grande efficacité, l’accompagnement musical est tout naturellement présent tout au long du roman car, finalement, cet Écran Noir qui ne se prive pas de donner du monde du show business une image pour le moins caustique, est surtout un vibrant hommage à la musique et au cinéma.