[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#ff0000″]L[/mks_dropcap]e nouvel album de O – Olivier Marguerit, À Terre, sorti le 1er février chez Vietnam, s’engage sur ces thèmes : nos ivresses, nos faiblesses, nos chutes.
« Le vertige, c’est autre chose que la peur de tomber.
C’est la voix du vide au-dessous de nous qui nous attire et nous envoûte, le désir de chute dont nous nous défendons ensuite avec effroi.
Avoir le vertige c’est être ivre de sa propre faiblesse. On a conscience de sa faiblesse et on ne veut pas lui résister, mais s’y abandonner.
On se soûle de sa propre faiblesse, on veut être plus faible encore, on veut s’écrouler en pleine rue aux yeux de tous, on veut être à terre. »
Milan Kundera
Comme dans L’Insoutenable Légèreté de l’Être dont est extraite cette citation sur le vertige, À Terre est organisé autour de la dualité Légèreté/Pesanteur. Là où Kundera fait naviguer ses personnages entre ces pôles sans jamais trancher, Olivier Marguerit choisit les deux, en même temps.
Le ton est d’emblée annoncé par le premier titre, qui donne son nom à l’album. Le voyage sera tout en allers-retours, entre lévitation à des hauteurs célestes et syncope six pieds sous terre.
Et c’est en vol plané que se fera la traversée qui nous mènera de la terre au ciel.
On finira D’en Haut, qui clôt l’album, sur des notes légères et réchauffantes, pleines d’espoir et de joie.
Mais avant cela :
La première question c’est qu’est ce que je fous là ?
Dès la première phrase une question existentielle, essentielle, impossible et insoluble. Lourde.
Le talent de O, c’est de pouvoir parler de choses intimes, profondes, sombres et même mélancoliques sur des compositions musicales colorées et légères, et parfois… c’est l’inverse.
Un grand écart mental et émotionnel qui crée une tension que les brillantes mélodies pop viennent libérer, nous permettant de danser en équilibre sur nos lignes de faille(s).
Un trip qui donne l’amour du vertige.
Même si pour L’Arbre-Fleur/Olivier Marguerit les paroles ne sont pas l’essentiel de son art, leur simplicité embarque pourtant subtilement l’auditeur dans un monde complexe et moins superficiel que leur apparence ne laisserait imaginer.
Les moins attentifs resteront en surface, les autres plongeront avec délectation dans ce patchwork clair-obscur, comme dans ce nuage de mots puisés dans les divers morceaux.
Je parle aussi de patchwork car il y a des liens entre les différents titres.
Des liens évidents dans les paroles déjà. On retrouve le bateau de Ce Bateau dans Oiseau de Nuit qui le précède puis dans Avale-Moi qui lui fait suite, vous me suivez ? On boit beaucoup aussi, dans plusieurs morceaux. Pour tenir, pour voir, pour se consoler.
Et pépite ultime, les fans de la première heure reconnaitront au détour du sublime Soleil Charbon, des paroles et la mélodie extraites du titre Le Froid qu’on trouvait dans Ohm 1, premier EP du jeune homme en 2014.
Un extrait qui vient se fondre dans le morceau et crée un pont avec les débuts en solo.
Le titre d’ouverture, À Terre, évoque également la boue que nous avions quittée à la fin du précédent LP.
Tous ces ponts, que O crée entre ses différentes œuvres, construisent pas après pas un ensemble riche et attachant.
La musique est résolument pop, directe, concise et foisonnante, enrichie par des harmonies vocales entre le chanteur et ses amies, Mina Tindle, Halo Maud et Emma Broughton. C’est con à dire mais c’est réellement jouissif et addictif.
O est longtemps resté dans l’ombre de nombreux artistes, on ne peut que se réjouir qu’il se décide disque après disque à entrer dans la lumière.
Alors dans l’À Terre d’O, on dégringole, on bascule, on chavire.
Ivre de cette chute exquise et délicate dans une pop luxuriante, à la fois légère et sophistiquée.
Une pop végétale, enracinée fermement à notre Terre mais la tête toujours plus haut dans les astres.
Une musique nourrie des multiples références de son auteur mais toujours magnifiquement illuminée par ses émois.
Vertigineux.
« Le vertige, ce n’est pas la peur de tomber, c’est la peur d’aimer la chute »
Sébastien « Biz » Frechette
Et cette gamelle-là, putain, vous allez l’adorer.