[dropcap]T[/dropcap]oujours plus décidé à explorer la littérature des pays de l’Est, Agullo propose en cette rentrée littéraire un roman letton : À l’ombre de la Butte-aux-Coqs d’Osvalds Zebris. Il s’agit d’un roman historique situé en 1905 et 1906, années de révolution.
À Riga, la capitale, trois enfants disparaissent dans la même fête foraine. Un seul homme est coupable. La police le cherche mais l’inspecteur Davuss, archétype du parfait salaud (qu’on va adorer détester tout au long du livre), pense plus à sa carrière qu’à retrouver les enfants. Et pour sa carrière, un coup de filet dans les milieux révolutionnaires serait parfait. Ses interrogatoires bifurquent donc méchamment dans ce sens, au détriment des petits disparus.
Son sadisme donne lieu à des scènes plutôt drôles avec son adjoint qu’il considère comme à moitié débile. Et c’est vrai que ce Dukmanis constitue de son côté le personnage antisémite par excellence, celui qui voit les Juifs comme maîtres du monde et qui veut les faire tomber. Signe d’une époque… toujours valable malheureusement aujourd’hui chez certains.
-C’est quoi encore que ça ?
– Des Juifs… des conjurés juifs. On leur est tombé sur le râble, par surprise. Ils étaient planqués chez un libraire, en plein conciliabule.
Dukmanis sue, se passe la main derrière la nuque, implorant du regard son supérieur hiérarchique, dont le visage est aussitôt envahi par l’agacement.
Parallèlement à cette intrigue semi-policière, Osvalds Zebris se penche sur l’histoire des campagnes lettones, sur les révoltes qui y ont eu lieu, sur la misère et sur les inimitiés entre villageois, querelles qui se transmettent parfois de génération en génération. C’est dans ces campagnes que Zebris pose l’essentiel de son récit. Porté parfois à la première personne, parfois par un narrateur. Tout prend place petit à petit, à travers des informations parcellaires qui finissent par former un tout.
Zebris choisit de s’attarder sur une petite communauté qui se déchire, hésitant à se révolter complètement mais en ayant tout de même envie, car il y a des limites à ce que les hommes peuvent supporter. Ainsi l’on apprend que pour les Lettons, la défense de leur langue était très importante. Là aussi, cela donne lieu à de belles discussions politiques.
Au milieu du récit, passage absolument bouleversant et formidable, se trouvent une capture et une fuite d’hommes pris à parti par les troupes du Tsar. Moments de pure violence qui fournissent un prétexte à un personnage pour nous dire une grande partie de sa vérité et éclairer l’ensemble de l’œuvre. Une pendaison sauvage, une grange qui brûle, la fuite éperdue dans la forêt. Les hommes ne luttent plus alors pour leur patrie lettone, ni pour une religion, mais pour leur vie même.
La résistance prendra forme à travers une entraide entre les Juifs et la population lettone.
Comment ferons-nous lorsque nos ennemis vont encore nous tomber dessus ? Je vous le dis, ce qu’il vous faut, c’est vous organiser. Trouvez-moi des hommes, je les armerai et je les formerai, je mettrai quelques braves gars avec eux pour les encadrer, toujours prêts à se battre pour la justice.
À l’ombre de la Butte-aux-Coqs est un roman à la construction étonnante, avec une intrigue qui navigue entre 1905 et 1906, années troubles pendant lesquelles les Lettons prennent les armes contre le Tsar russe et son pouvoir. Cela donne des pages très politiques et très violentes. Et surtout, l’auteur fait la part belle à l’intime dans son récit, La Butte-aux-Coqs devenant le lieu central d’où tout découle. Histoires de familles entremêlées, vengeance et haine.
Un livre impossible à lâcher. Drôle et tragique à la fois. D’ailleurs on ne sait si on doit rire ou pleurer. Ce que l’on sait par contre, c’est que si par bonheur, Osvalds Zebris propose un nouveau roman qu’Agullo édite, on se jettera dessus !
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À l’ombre de la Butte-aux-Coqs d’Osvalds Zebris
traduit du letton par Nicolas Auzanneau
Éditions Agullo, 3 septembre 2020
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Image bandeau : Stephen Radford / Unsplash