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« LE LIEN »

Rue Ganneron

Anna Dubosc
Par Anna Dubosc
Publié le 9 mai 2017
8 min de lecture

Rue Ganneron

Je n’y suis pas retournée depuis qu’on a rendu les clés et placé notre mère en maison de retraite. Je suis allée jusqu’à la place de Clichy, mais pas plus loin, je ne peux pas. Tous les jours, j’y pense, plusieurs fois par jour. Remonter l’avenue de Clichy, longer le cimetière… Je l’ai fait mille fois en rêve et je bloque toujours au même endroit, quand j’aperçois les nouveaux locataires à la fenêtre. Parfois, j’emprunte un autre chemin comme pour déjouer l’écueil. Je prends par la rue Etex, mais quand je tourne à droite sur la rue Ganneron, c’est toujours pareil, le cauchemar. C’est plus chez nous, il y a des gens qui vivent chez nous. Je peux pas supporter, ça me fait suffoquer. Je me réveille en pleurant.

Dessins de Adrien Genty
Dessins de Adrien Genty

Le jour de l’état des lieux, j’ai laissé les rideaux aux fenêtres, des vieux draps blancs recyclés, de chez Guerrisol. Il fallait qu’ils restent là. Comme ça, de la rue, j’aurais pu continuer de rêver que derrière les rideaux, ma mère traînait dans son boxon.

J’ai des flashs avant de m’endormir, je revois la peinture écaillée de la poignée du balcon ou le trou d’une des lattes manquante du parquet, la colle jaunie dans le trou. C’est tellement là, ça me broie le cœur, c’est horrible. Comme si tout était caché dans ces deux détails, mon enfance rue Ganneron, le bonheur qui n’en finit pas, la vue sur le cimetière Montmartre et, au-delà du cimetière, la Mandchourie dont ma mère était tellement nostalgique, qu’elle ressassait dans ses textes et dont elle nous berçait. Même ça, même son obsession pour Harbin, elle l’a oubliée. Toute une vie partie dans le décor, mais comment c’est possible ?

Moi qui suis tellement optimiste, j’en reviens pas de cette douleur, je ne sais pas quoi en faire, c’est pas dans mon programme. Dans mon programme, tout allait bien, même quand ça n’allait pas. Et il y avait toujours une solution, et s’il n’y en avait pas, c’était pas grave. Tant qu’il y avait la rue Ganneron, rien n’était grave. Je n’avais même pas besoin d’y aller. Ça existait dans le temps et le temps était là, c’était mon temps.

Si ça se trouve, je ne m’en remettrai jamais. Je n’ai ressenti ça qu’une fois, à cause d’un homme. Que ç’en était fini de la vie, que je ne serai plus jamais heureuse, que ça y est, j’étais une pauvre fille. Puis finalement, c’est passé, je m’en suis remise. Mais là, il n’y a rien qui se remet. Pas d’avenir, rien. Même mes souvenirs sont attaqués. Alors que j’étais tellement au chaud dans mes souvenirs, maintenant ça me fait flipper. Je ne suis plus reliée à eux par la confiance ni la joie, mais par la peine. Une peine qui monte et ravage tout. Mes enfants, l’amour, l’écriture, plus rien n’a plus de sens. Je veux juste me coucher pour pleurer, c’est la seule chose qui me réconforte. Pleurer des heures, jusqu’à vider ma tête.

Au début j’espérais que je m’y ferais. En sortant à Noisy-le-sec, je remontais la rue principale à pied, jusqu’à la maison retraite. J’essayais d’imprimer la façade blanche de l’hôtel près de la gare, le marché du samedi, les barres d’immeubles avec le café sur la place. Si j’étais née ici, sûrement que ça me ferait vibrer, mais c’est trop tard pour se faire des souvenirs. « C’est pas la peine, ça sert à rien », je marmonne parfois.

L’autre jour, j’ai retrouvé des vieilles notes où ma mère transcrit mes tourments, quand j’avais vingt-cinq ans. Je détestais mon appart, j’étais paumée, je n’arrivais à rien. « Toutes ces vitres, ça m’oppresse, j’ai l’impression de vivre dans un aquarium. Il y a tellement de lumière, je ne peux même pas voir l’écran de mon ordinateur, je n’ai pas de refuge, pas d’endroit où écrire. »

Ça m’a bouleversée de relire ça, qu’elle ait arraché ces moments de ma vie à l’oubli. Maintenant c’est moi qui dois me souvenir pour elle. Sauver sa mémoire, ses pensées. Je note tout ce qu’elle dit, ses gestes, ses bruits, sa tête de vieille chouette quand elle regarde par la fenêtre du réfectoire. Elle pointe du doigt les oiseaux, la fumée, les immeubles au loin. Elle dit qu’elle m’a vue là-bas, qu’elle a vu ma maison et celle de ma sœur.

« Et la rue Ganneron, alors, elle est où ?

– Ganneron ? Ganneron, c’est quoi déjà ?

– Là où on habitait…

– Ah oui, ça me dit quelque chose…

– Là où on a grandi avec Sophie…

– Ah oui, les enfants, ça, je sais ! C’était une époque formidable. »

Ça me fait pleurer, ses phrases. Avec trois mots, elle me transperce. Elle est stupéfaite, elle me fixe sans broncher. Je la serre dans mes bras, je l’embrasse, je lui répète que je l’aime, mais c’est un puits sans fond, je ne lui dirai jamais assez.

À chaque fois que je vais la voir, elle s’écrie : « Ah c’est toi ! Mais c’est pas vrai, je suis contente ! C’est toi ?? Je t’ai attendue tout ce temps, j’avais oublié qui je suis. » Elle s’étouffe de bonheur. Elle rit, elle me donne des petits coups de tête comme les chats.

On descend s’installer en bas. Je lui amène toujours des biscuits ou des pâtisseries indiennes que j’achète sur la route. Elle mange à deux à l’heure en s’extasiant de me voir. « Tu es trop belle ! Magnifique, toi ! Il n’y a que mochetés ici. Concours de mochetés, vraiment ! »

On reprend des chocolats au distributeur, puis s’il fait beau, on fait un tour dans le grand jardin. Elle adore ce jardin. C’est devenu « son » jardin, comme elle disait « mon cimetière » du cimetière Montmartre. Tout est sous ses yeux, elle ne pense pas qu’il y a autre chose ailleurs. Ça me rendait triste avant, mais plus maintenant. Maintenant ça me réjouit. Elle a raison. La vie s’en fout, mais on est là.

[mks_separator style= »dashed » height= »6″]

Merci à Anna Dubosc de nous avoir offert ce texte.

Anna Dubosc est auteure de Koumiko (2016) publié chez Rue des Promenades.

Elle est aussi auteure de :
Spéracurel (2009), La Fille Derrière Le Comptoir (2012) et Le Dessins Des Routes (2013), publiés chez Rue des Promenades.

 


Retrouvez la présentation du projet « Le Lien« , le texte de Thomas Giraud, Tomber à l'(e)autre, celui de Isabelle Bonat-Luciani, Les contours ne tiennent que pour consoler et celui de Julien d’Abrigeon, Trope lien et trop plein.

La série se poursuivra dans quelques jours  avec Barz Diskiant.

Etiquettesanna duboscauteureKoumikole lienrue des promenadestexte inédit
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