[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#1e64bf »]R[/mks_dropcap]egroupant plus d’une trentaine de textes ne dépassant jamais plus de 4 pages et ici publiés dans une traduction inédite de Philippe Di Méo, Salons est un formidable moyen de se rendre compte de la lucidité de Giorgio Manganelli sur l’esthétique. Lui-même l’a maniée dans ses textes avec maestria, par exemple dans Hilarotragœdia évoqué dernièrement ici. Ses comptes rendus d’expositions abordent autant la peinture, la sculpture, l’architecture que la joaillerie. Dans ce livre édité par L’atelier contemporain, on remarque l’absence d’illustrations hormis celle de couverture permettant de faire écho à ce dont parle l’auteur.
Cette absence d’illustrations n’est absolument pas problématique et n’empêche en rien la lecture de ce livre. Giorgio Manganelli irrigue de son écriture le terrain du visuel. Le texte apporte un éclaircissement salvateur sur le sujet visuel et devient son alter égo littéraire. L’auteur italien ne décrit ou n’illustre pas mais construit un discours qui conscientise chez le lecteur l’image évoquée. La dualité entre l’écriture et la fabrication d’un objet esthétique est ici portée à son paroxysme lorsqu’au détour d’un texte, Manganelli en vient à faire un parallèle entre l’acte d’écrire et l’acte théâtral (Le jeu d’exister, page 93).
La richesse de la phrase de Giorgio Manganelli abreuve notre soif d’image. Elle transcende le sujet évoqué en travaillant au corps à corps la puissance symbolique de l’œuvre esthétique ou de l’artiste. C’est une lutte qui n’en est pas une car ce qu’apporte Manganelli vaut autant pour l’art visuel que pour la littérature. Une transversalité que la folie créatrice de cet auteur italien a sans cesse travaillée dans ces différents livres. Malheureusement certains livres comme Bruits ou voix ne sont plus réédités. Espérons que des éditeurs courageux fassent le travail de remise en lumière de cet auteur majeur de la deuxième partie du 20ème siècle comme l’a fait ici L’atelier contemporain.