« Les histoires de vieux rockers, mouais ». Votre oncle grincheux tiendra probablement ce genre de discours mais, au final, on prend toujours un malin plaisir à se replonger dans les parcours remplis d’excès de certaines icônes du rock. Et la bande dessinée Serial Rockers, scénarisée par Corbeyran et Stéphane Deschamps et mise en images par quinze dessinateurs et dessinatrices, proposent un beau condensé d’histoires sulfureuses.
Évidemment, les plus érudits de l’histoire du rock and roll ne découvriront pas de scoops à chaque vignette mais la variété des personnalités mises en avant permettra sans doute à chacun de regarder d’un autre œil le parcours de tel ou tel artiste, et donnera peut-être même envie de creuser ou se replonger dans certaines discographies.
Il faut dire que, musicalement, cet ouvrage brasse large puisque l’on va d’Alice Cooper à Madonna en passant par Jerry Lee Lewis, Mick Jagger, David Bowie, Serge Gainsbourg, Chuck Berry ou Jim Morrison. Stylistiquement aussi, le brassage est large, puisqu’en faisant appel à des dessinateurs différents pour chaque histoire, l’ouvrage est sans cesse dynamisé et l’immersion en est renforcée par les dessins adaptés à l’univers des musiciens. Ainsi, les graphiques de style « cartoons » répondent à l’apparente légèreté musicale de Madonna, tandis que les esquisses anguleuses réservées à Serge Gainsbourg font écho au personnage.

On ne s’étonnera d’ailleurs guère de la relative complaisance accordée à ce dernier puisque son statut d’icône semble le rendre intouchable dans l’hexagone. Ainsi, la fameuse séquence injurieuse vis-à-vis de Whitney Houston semble considérée dans cet ouvrage comme une bonne blague. Mais à part ce moment gênant, Serial Rockers offre une lecture plutôt juste de la face sombre de certaines idoles, du séjour en prison de Chuck Berry pour proxénétisme de mineure (il écrira d’ailleurs le You Never Can Tell réutilisé dans Pulp Fiction derrière les barreaux) au mariage de Jerry Lee Lewis avec sa cousine âgée de 13 ans (décidément).
Si les histoires sexuelles des un.e.s et des autres tiennent une place importante dans cet ouvrage, il n’est heureusement pas question que d’abus. On (re)découvre alors les sexualités débridées de Jimi Hendrix et David Bowie, mais également l’impact que certaines séquences de vie ont pu avoir sur leur œuvre musicale. Et c’est là tout l’intérêt de ce livre : obtenir un (autre) aperçu d’un artiste, en quelques pages, pour donner envie (ou pas du tout) de replonger dans sa discographie. Pour moi, ça a bien fonctionné, je me suis remis à écouter David Bowie et The Doors (ça faisait longtemps), tandis que je creuse pour la première fois la discographie des Rolling Stones. Pour ça, merci à ces Serial Rockers.