[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]D[/mks_dropcap]ites moi ? Avez-vous remarqué le titre de ce live-report ? Soy Addict… Fabuleux, non ? SOY pour le festival, Addict pour le webzine et les deux combinés font un merveilleux jeu de mot : je suis addict. Dingue, non ?!
Peut-être pas autant que les deux jours pour lesquels nous étions présents mais quand même… car, comme nous vous le disions précédemment, Addict-Culture a couvert le SOY Festival à Nantes pour les jours deux et trois (le jeudi 26 et le vendredi 27 octobre) avec deux rédacteurs différents.
Pour ma part, je commencerai ce live-report par les regrets, du moins un : celui de n’avoir pu être présent pour Fennesz. Venant d’assez loin, l’équation à quatre inconnues (camions + tracteurs + déviation + bouchons) a eu raison du respect des horaires me concernant. Cette petite déception mise à part, il faut bien le dire, cette soirée du jeudi fut dans l’ensemble excellente. Ne connaissant pas les lieux, du moins seulement la partie basse dans laquelle eut lieu il y a quelques mois une superbe exposition Giger, j’entre dans la salle et découvre la scène à trois mètres de moi et une petite centaine de personnes venues voir Larsen, premier des quatre concerts.
Larsen, c’est l’assurance d’un démarrage en douceur. Les Italiens vont délivrer un post-rock pas désagréable mais sans surprise, entre Godspeed sans speed, Slint sans tension et une touche de psyché. Dans l’ensemble, ça ronronne pas mal et le décollage a pas mal de ratés (à vrai dire, les Italiens parviendront à faire prendre la sauce sur un ou deux morceaux). Mais comme je le dis plus haut, ça permet de commencer tranquillement une soirée d’une logique quasi implacable : démarrage avec du post-rock, suivi de deux formes de drone (expérimental pour le concert suivant et métal/noise pour celui d’après) pour se terminer sur du Noise.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]es choses sérieuses commencent avec Jessica Moss, charmante Canadienne échappée du post-rock (Thee Silver Mt Zion) et de ses contraintes pour aller batifoler dans l’expérimental et le classique. Là, je dois avouer que ce sera le concert le plus clivant de la soirée. Pour faire simple, soit vous rentrez dedans aussitôt, soit vous allez au bar en attendant le prochain groupe. La Canadienne se présente seule avec son violon, ses pédales d’effets, un micro devant elle, deux amplis derrière et… nu pieds. Configuration minimale pour un concert scotchant. Sympa, elle nous présente le programme avant de commencer (deux morceaux de 25 et 20 minutes chacun) et nous invite à nous asseoir pour mieux profiter de l’expérience. Et là, ce sont 25 minutes qui passent comme un souffle, aux confins de l’expérimental, du classique, du drone et de la musique orientale. 25 minutes où Jessica Moss va créer des boucles hypnotiques, jouer avec les modulations de sa voix, nous vriller doucement le plexus avec des bourdonnements créer à partir des sons émis par son violon. Le morceau se clôt sur une note classique, le public reste assis, plutôt sidéré.
Moss reprend la parole, remercie chaleureusement les spectateurs nous explique le prochain morceau et repart pour vingt minutes plus expérimentales encore que les précédentes. Si le premier morceau tutoyait l’Orient, ici, c’est l’espace qui est visé et ce dès l’introduction (les sons enregistrés par son violon puis passés en boucle évoquent ceux d’une sonde à la dérive). La suite va reprendre un peu le même schéma que le morceau précédent mais en y ajoutant plus de drone. Par ailleurs, le set se termine après qu’elle a mis son violon de côté pour reprendre le chant et faire tout un travail autour de celui-ci jusqu’à ce qu’il se confonde en un drone hypnotique. Aux deux tiers du second morceau, Moss réussira l’exploit d’amener le silence complet dans la salle, bluffant même les spectateurs accoudés au bar. Inutile de vous dire que le public a chaleureusement salué la performance. Bref, excellent concert mais en deçà de ce qui va venir.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]llez, je dois l’avouer, plus que Jessica 93, ce sont les Canadiens de Big Brave que j’attendais le plus. Et là, la claque a été immense. Déjà, pour donner le ton, quelques minutes avant de commencer, Louis Alexandre Beauregard, batteur du trio et sosie hybride de Lee Hazlewood et Joseph Gordon Levitt, vire ses pompes et s’amuse à exploser les tympans de Robin Wattie en un coup de caisse claire avant de repartir dans les coulisses. Un seul coup. Quelques minutes après, le trio arrive, concentré et entame Sound, premier morceau d’Ardor, leur nouvel album. Et là, c’est à quarante minutes de déflagrations quasi sismiques auxquelles les spectateurs assistent. Le trio jouera Ardor en intégralité mais là où l’album est simplement efficace, le concert va en révéler la sécheresse, ainsi que la folie qui habite leur noise/drone. Si Robin Wattie, concentrée devant son micro dans son coin droit, sera la plus sage des trois, Mathieu Bernard Ball, sur la gauche, s’amusera comme un petit fou avec sa guitare alors que Beauregard agressera ses fûts comme je l’ai rarement vu, y mettant toute sa rage mais avec une précision d’horloger suisse. Sa frappe est sèche et violente, pas forcément subtile mais d’une efficacité redoutable, créant une tension incroyable en variant phases bordéliques et silences, devenant ainsi le point de convergence des deux guitaristes, attentifs à ses moindres faits et gestes. Bref, pour sa première venue en France, Big Brave, en live, c’est une expérience drone/noise d’une grande intensité, impressionnante et limite épuisante (d’ailleurs si on ressort secoué du concert, Beauregard lui le termine complètement exsangue). Grand concert.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]près un tel concert, le challenge pour Jessica 93 sera de mettre la barre plus haut. Mais à vrai dire, Geoffroy Laporte s’en tamponne royalement le coquillard et déroule son rock un peu dark, un peu noise avec la plus grande décontraction. Grande nouveauté : en concert, Jessica 93 n’est plus le projet solo de Laporte mais un quatuor improbable de grunges sapés comme jamais. Excepté le bassiste, plutôt classe, le trio restant rivalise pour avoir l’aspect le plus miteux possible. Laporte, avec son jogging Adidas, son tee-shirt Kap Bamino et ses cheveux long façon Cobain, l’emporte d’un poil de barbe juste devant son batteur (Guillaume alias Snug), casquette vissée sur le crâne, tee-shirt orange, l’air d’un nerds tout juste sorti de l’œuf. Mais bon, le quatuor n’est pas là pour des considérations esthétiques (et à vrai dire on s’en fout) mais pour présenter Guilty Species, prochain album à sortir (et pour lequel Laporte fera un SAV absolument exemplaire : « les vinyles sont pas arrivés et on a oublié les cds. Mais on s’en fout »). Le groupe joue l’album, huit titres entre noise et darkwave, teigneux comme à son habitude, sorte de pitbull enragé qui vous prend à la gorge et ne vous lâche qu’une fois inerte, évoquant les Cure (de plus en plus Pornography), Nirvana et par moment Fugazi. Le groupe semble s’éclater et Snug, à la boîte à rythme, paraît aussi utile que Bez des Happy Mondays, tapant comme un grand malade sur ses deux cymbales (dont une complètement défoncée) et assurant la grosse déconne (il terminera le concert en disant « C’est le meilleur concert qu’on ait fait et vous êtes le meilleur public qu’on ait eu »). Musicalement comme je le disais plus haut, ça dépote velu, Anti Cafard 2000 et Bed Bugs assurent l’aspect hypnotique de la chose et RIP In Peace, placé en septième position confirme son potentiel tubesque (fallait voir la foule bouger sur ce morceau). En gros, concert impeccable avec, en cerise sur le gâteau, un Surmatants toujours aussi grand et parfait pour clore cet excellent set sur une note noise hypnotique assez démente.
En somme, comme je l’ai dit en introduction, ce jeudi fut une bien belle soirée pour un festival à taille plus qu’humaine (si vous le vouliez, vous pouviez directement tailler le bout de gras avec les musiciens présents dans la salle après chaque concerts). Qu’en sera-t-il du vendredi ? Je laisse ma comparse Marianne S. vous en développer les détails ci-dessous.
Jism
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]R[/mks_dropcap]endez-vous donc au pôle étudiant un vendredi soir. À 20h, tout est tellement calme, il n’y a qu’une petite dizaine de personnes buvant un verre dans la cafet’ en quasi silence, que je me demande si je me suis trompée d’heure, de jour ? Les agents de sécurité mettent en place tranquillement les barrières et me font comprendre que je suis bien au bon endroit, mais trop tôt pour une soirée qui se déroule en plein milieu d’un campus !
Qu’à cela ne tienne, c’est le moment idéal pour se pencher sur les propositions du bar. Deux bières, une bonne blonde locale et une IPA. Ici, on sait recevoir. D’autant que toutes les personnes du staff sont toutes très accueillantes, l’ambiance est bon enfant.
Et voilà que se lance Trupa Trupa, groupe de post-krautrock polonais. Remarqués lors de la sortie de leur album Headache en 2016, leur nouvel opus Jolly new songs est sorti il y a quelques jours à peine. Le chanteur, Grzegorz Kwiatkowski, habillé très sobrement d’une petite chemise bleu clair et un jean noir, semble sortir tout droit de son bureau au sommet d’un building. S’il est discret et semble réservé sur les premiers morceaux, il se laissera rapidement gagné par la musique et s’avère être très expressif : yeux révulsés, grimaces, transe. Le morceau Never forget, qu’il nous annonce dédicacé à Claude Lanzmann. On n’est pas là pour rire. C’est séduisant et austère à la fois. Le guitariste, lui, a un instrument bien singulier : sa guitare est composée d’un vieux bidon d’huile sur lequel on a collé un manche. C’est astucieux et apparemment ça fonctionne bien. Le bassiste, Wojtek Juchniewicz, prend régulièrement le micro, soit pour accompagner le chanteur – la première fois, de façon très surprenante et assez dissonante – soit de différentes manières jusqu’au dernier morceau très réussi où l’ensemble du groupe semble s’échapper pour de bon. C’est mystique, c’est sombre, comme une danse autour d’un feu : une belle manière de conclure le show. On retiendra particulièrement le titre Love Supreme, balade dans un pays aussi fascinant qu’effrayant. En conclusion, de bonnes choses, une atmosphère accrochante et un gros penchant pour les larsens, mais on prend beaucoup de temps pour sentir que le groupe est à l’aise et dans son élément.
Le monde arrive petit à petit. Des étudiants, mais pas uniquement, le public SOY est éclectique et calme ce soir. Cela s’explique peut-être par le stand d’énormes hot-dogs proposés à tous les carnivores affamés. Ça cale. On profite de ce doux soir d’octobre, on papote.
On se prépare à voir Blanck Mass, projet solo de l’anglais Benjamin John Power dont un des morceaux a été utilisé aux jeux olympiques de 2012 et qui a fait la première partie de la tournée 2013 du groupe islandais Sigur Rós. Blanck Mass gravite autour de plusieurs styles comme l’electro, l’expérimental et la drone music comme le démontre World eater, son troisième album sorti plus tôt dans l’année. On entend le début du set : c’est puissant et c’est du son bien lourd qui ne permet pas autre chose qu’être absorbé. Le show man, seul en scène, est bien venu accompagné de ses kilos de matériels. Son visage est inexpressif, regard fixe, pull noir et cheveux blonds avec raie sur le coté. Il est à la fois stoïque et agité. On croirait voir Ryan Gosling qui se paierait le luxe de faire une tournée électro entre deux films. C’est hypnotique, saccadé et vibrant. En arrière plan, des projections stroboscopiques d’images en noir et blanc. Tantôt organiques, abstraites et végétales, elles ont en commun de s’enchaîner tellement vite que chacun pourra imaginer leur teneur exacte. Les rythmes se succèdent mais ne se ressemblent pas : il faudra un complet abandon pour que le corps puisse se laisser porter. La tête ne doit plus réfléchir. La nausée n’est pas loin, le choix semble simple : se laisser saisir par le rythme ou rester définitivement à côté en entendant son rythme cardiaque s’accélérer.
Les vibrations se multiplient, incohérentes et polyrythmiques. Les voix en arrière-plan s’enchaînent mais ne se ressemblent pas. Très proche du public dans cette salle qui permet un contact très intimiste, Power attrape parfois son micro pour apporter un chant proche du black metal qui renforce l’ambiance angoissante et cauchemardesque de ses morceaux. Si la fin du monde est proche, vous ne pourrez pas dire que Blanck Mass ne vous a pas prévenu.
On regrettera l’heure tardive qui nous empêche de rester pour découvrir sur scène Petit Fantôme, projet de Pierre Loustaneau, ancien membre de François and the Atlas Mountains. Son clip Libérations terribles, premier titre de son album Un mouvement pour le vent, avait été très remarqué avant l’été et promettait un voyage mélodique dans les 60’s, un moment doux et sensible. Ce sera pour une prochaine fois !
SOY tient donc ses promesses pour cette édition 2017 : du son, sous toutes ses formes, des groupes aux styles très différents mais suscitant toujours la curiosité et un parcours audacieux au cœur de la ville. Le moment parfait pour y faire des découvertes, écarquiller les yeux parfois, laisser le corps aller à la rencontre des vibrations ou prendre le temps de discuter et palper l’ambiance pendant un set qui nous touche moins. Avec SOY chacun est libre de vagabonder, sortir de sa zone de confort, découvrir des choses étonnantes ! Au final, SOY rend tellement addict qu’Addict-Culture a déjà pris rendez-vous pour 2018.
Marianne